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cles. Sakya-Mouni (c’est le nom terrestre de Bouddha) meurt à soixante-dix-neuf ans. Le premier des patriarches, celui qui reçut immédiatement de lui sa doctrine, fut un brahmane : au brahmane succèdent, l’un après l’autre, trois patriarches pris dans chacune des autres castes, un kchatrya, un vaysia, un soudra ; signe évident, dès l’origine, de la communauté de priviléges religieux établie entre tous les hommes.

Le document dont nous parlons dit peu de chose sur chacun des patriarches ; il les peint menant une vie austère et mortifiée qu’ils terminent d’ordinaire en se précipitant volontairement dans les flammes, comme les anciens le racontent de plusieurs bouddhistes que, sous le nom indien de Samanéens et le nom grec de gymnosophistes, ils distinguaient des Brahmanes.

M. Rémusat attachait une confiance entière à cette liste de patriarches qu’il avait découverte. Les principales époques qu’elle assigne au développement du bouddhisme s’accordent assez bien avec le peu qu’on sait de l’histoire de cette religion, et avec les traditions des autres peuples de l’Orient qui l’ont embrassée, notamment des Cingalais. Cependant, quoi qu’en dise M. Rémusat, il est difficile que chacun des patriarches ait eu une vie moyenne de soixante dix-neuf ans. Ce qu’il me semble alléguer de plus décisif pour établir que la liste n’a pas été forgée après coup, c’est que, sur le nombre total des patriarches, il y en a deux dont l’époque n’est pas indiquée, et huit pour lesquels on se borne à un rapprochement indéfini avec les règnes des empereurs chinois. Un faussaire, dit M. Rémusat, n’eût pas manqué de donner toutes les dates avec une feinte exactitude : cela est vrai, mais sans recourir à un faussaire, sans admettre que toutes les dates soient inventées, on peut croire qu’il y a eu dans cette série des lacunes, et qu’elles ont été remplies arbitrairement ; le monument n’en est pas moins très important. Il suffit que la vraisemblance de l’ensemble soit constante, il n’est pas besoin que la certitude des détails soit démontrée.

Le cosmopolitisme, qui est l’essence de la religion de Bouddha, a dû susciter, dès l’origine, des missionnaires dans son sein, et faciliter par là les conquêtes de son prosélytisme. Aussi voit-on, cent soixante-sept ans avant Jésus-Christ, le vingt-deuxième patriarche voyager jusqu’à Fergana, dans la petite Boucharie, à quatre