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DE LA CHINE.

qui est l’univers, le bouddhisme a établi une infinité de degrés dans l’échelle de l’existence, depuis l’être pur, sans forme, sans qualité, sans nom, jusqu’à ses dernières dégradations. L’être pur, c’est Bouddha, l’intelligence suprême et incompréhensible. Il produit tous les mondes par une irradiation éternelle. Cette lumière, qui sort de lui et de qui tout provient, va défaillant toujours de plus en plus, à mesure qu’elle s’éloigne de sa source et se disperse dans l’espace et la durée ; de là tout un édifice cosmogonique, le plus gigantesque sans doute que l’imagination humaine ait jamais élevé. Il semble que son énergie se déploie plus puissante dans ce système où le néant la presse de toute part. Rien n’atteste mieux sa fécondité sans bornes que la construction idéale de ce fantastique univers qui est pour les bouddhistes, comme l’homme chez Pindare, le rêve d’une ombre.

Notre terre est partagée en un certain nombre d’îles ou montagnes : au centre est le mont Merou, autour duquel circulent les astres. Ses flancs sont de cristal, de saphir, d’or, d’argent ; il est entouré de sept montagnes d’or, et de sept mers, dont les eaux sont parfumées. À la moitié de sa hauteur sont les six cieux des désirs. Les êtres qui les habitent, supérieurs à l’homme, sont encore soumis cependant à se multiplier par la volupté ; mais c’est la volupté d’un regard ou d’un sourire. On voit qu’à mesure qu’on s’élève, tout va se purifiant. Dès le quatrième ciel des désirs, les sens n’ont plus d’influence, et au cinquième, les plaisirs sensibles sont convertis en joie intellectuelle ; là pourtant, subsiste l’attache du plaisir, si épuré qu’il soit. Au-dessus du monde des désirs est le monde des formes ; les êtres qui l’habitent sont élevés au-dessus de tout plaisir, mais ils sont encore soumis aux conditions d’existence et de matière, la forme et la couleur. On distingue dans le monde des formes dix-huit étages superposés, et les êtres qui les habitent se distinguent par des degrés correspondans de perfection morale et intellectuelle auxquels on s’élève par les quatre degrés de la contemplation.

Toutes ces régions, accessibles à l’homme dans ses diverses existences, forment le monde de l’homme, qui s’appelle aussi le monde de la patience.

Mais le monde, ainsi subdivisé, n’est qu’un point dans l’infinie