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REVUE. — CHRONIQUE.

lui passer sur le corps, fournira plusieurs grandes pages à la prochaine exposition. On s’accorde généralement à louer la présence d’esprit et le sang-froid du roi, et un journal le félicitait assez maladroitement d’être le seul souverain phlébotomiseur de l’époque. Ce journal se trompe, et sans vouloir affaiblir le trait d’humanité du roi que nous apprécions mieux que personne, nous ferons observer que don Pédro et son frère don Miguel possèdent à un haut degré le talent de saigner ; que tous deux ils ne sortent jamais sans être munis de lancettes, et que don Miguel a souvent ainsi sauvé la vie à ses écuyers ou à ses piqueurs frappés par le taureau.

Au reste, on annonce la mort de ce pauvre don Miguel, tué, dit-on, devant Santarem.

L’aventure du Bourget n’a pas nui à la réception du roi et de sa famille à l’Opéra, pendant la représentation de lundi dernier. La royauté de juillet, qui avait déjà affecté de la pompe et de l’apparat dans le dernier voyage de Fontainebleau, avait déployé cette fois un grand appareil militaire. Plusieurs bataillons de troupes de ligne, avec armes et bagages, campaient dans la rue Lepelletier, sous le vestibule extérieur de l’Opéra, et poussaient leurs postes avancés jusqu’à l’escalier intérieur et à la porte de la loge royale. Un escadron de garde municipale, trompettes en tête, se déployait devant la façade principale, et des vedettes de cavalerie occupaient toutes les avenues. Les corridors du théâtre étaient garnis de sergens de ville, et quelques banquettes du parterre envahies par des fonctionnaires moins ostensibles, pour qui la préfecture de police avait envoyé galamment retenir un certain nombre de billets. De telles précautions, prises à la face d’un souverain étranger, étaient un peu injurieuses pour la population parisienne. M. Thiers disait, il y a peu de temps, en notre présence : « Avant deux ans nous serons plus forts et plus puissans que Napoléon ; et cela, sans la guerre ! » Mais en vérité, c’est un peu la guerre qu’un tel déploiement de soldats ; et le roi Léopold, à Paris, est assez loin des Hollandais pour n’avoir plus besoin du secours de l’armée française.

— Nous demandons pardon à nos lecteurs de parler encore du mariage de M. Thiers ; mais nous ne pouvons leur laisser ignorer que son second ban a été publié cette semaine. Tous les peintres dont M. Thiers encourage le talent, en sa qualité de ministre des travaux publics, s’occupent en ce moment à préparer un album pour Mme Thiers. On dit que cet album sera une merveille, et qu’il surpassera celui qui fut offert autrefois par les artistes à la duchesse de Berry. Les poètes se réuniront sans doute pour former de leur côté un album littéraire, dans le genre de