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C’est donc par l’intermédiaire de Mme de Santa-Cruz que M. Mignet a rempli la mission dont il était chargé directement pour la reine-régente. La reyna gobernadora a agi dans cette occasion comme le feu roi Stanislas, qui laissait certaines choses à dire à son chancelier. Tout en se rapprochant des partisans du marquis de Las Amarillas, M. Mignet n’a pas laissé que d’avoir accès près de M. Zéa, à qui il a prêché, avec beaucoup de conviction, des mesures de rigueur contre les partisans de don Carlos. M. Mignet, historien assez vert de notre révolution, s’est un peu ressenti, en cette circonstance, de ses études sur le comité de salut public. M. Zéa, homme fort obèse et par conséquent conciliateur et prudent, a paru fort étonné, dit-on, d’entendre justifier l’exécution de Santos-Ladron par une bouche aussi fleurie et aussi élégante. Au reste, les succès du parti de la régente, confirmés par les dernières dépêches, ont singulièrement aplani les difficultés de cette mission, et notre cabinet ne sera probablement pas forcé de nier les promesses et les offres chaleureuses faites en son nom par M. Mignet.

Voilà l’histoire de notre intervention en Espagne. Elle se bornera là sans doute, et le trône d’Isabelle s’affermira sans nous ; mais on voit que nous l’avons échappé belle. Le roi des Français avait failli se brouiller avec M. Rothschild.

— En Angleterre, les associations pour le refus de l’impôt des accises causent quelques inquiétudes. Le conseil a décidé que ces rébellions seraient réprimées avec énergie. De telles résolutions veulent être justifiées par le succès : elles le seront sans doute ; mais le gouvernement anglais ne sera pas moins forcé de changer complètement, et avant peu, le système de ses taxes, qui pèsent trop lourdement sur le peuple. À la veille d’une pareille réforme, et des évènemens qui se préparent dans quelques-unes de ses plus importantes colonies, l’Angleterre doit renoncer à jouer un rôle bien actif sur le continent, et fût-elle pour nous un allié fidèle, cette alliance nous sera peu utile au moment du danger. Il est vrai qu’il nous restera le roi Léopold, qui disait, en réponse au discours de M. de Rambuteau : « Soyez certain que je suis l’ami de la France, et peut-être son ami le plus sincère ! » Voilà certes de quoi empêcher de dormir le pauvre empereur Nicolas.

Le malheureux accident qui a marqué au Bourget l’arrivée du roi et de la reine des Belges, sera long-temps le sujet des conversations du château, et déjà bon nombre de pièces de vers et de tableaux ont été commandés par M. Thiers pour éterniser l’action du roi Louis-Philippe en cette circonstance. Le courrier Verner, secouru et saigné par Louis-Philippe, au moment où, renversé de cheval, l’énorme diligence de famille vient de