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LITTÉRATURE ANGLAISE.


distinct : ce sont les Plaisirs de l’imagination, par Akenside[1] (the Pleasures of imagination) ; les Plaisirs de l’espérance (the Pleasures of hope) ; et les Plaisirs de la mémoire (the Pleasures of memory). Le poème d’Akenside embrasse le présent, celui de Campbell, l’avenir, celui de Rogers, le passé. Il y a dans le premier une poésie plus douce ; dans le second, plus d’enthousiasme ; et dans le troisième, plus de naturel. Les Plaisirs de la mémoire furent publiés en 1792, et devinrent aussitôt populaires. À cet esprit d’observation originale, à ces fines peintures des hommes et des choses, à ces remarques sur la condition sociale et domestique, à tout ce qui distingue en un mot les disciples de la nouvelle école, se trouvent joints ici le travail de style, la clarté et la mélodie de l’école ancienne. Le poème fourmille de traits heureux et saillans, de passages qui se gravent dans la mémoire ; et l’on peut dire qu’il plaît

    Diorama qui eut beaucoup de vogue à cette époque. (V. Wine and Walnuts. London, 1825.)

  1. Akenside, que peut-être M. Allan Cunningham aurait dû nommer, ainsi que Beattie et Parnell, est un poète métaphysique et contemporain de Cowper. Son inspiration est toute républicaine ; il a répété en vers blancs, quelquefois très énergiques, quelquefois obscurs et surchargés d’épithètes, les déclamations de Mably et de l’abbé Raynal. Akenside, né en Écosse à la fin du xviiie siècle, était fils d’un boucher. Ses odes sont quelquefois citées comme des modèles de ridicule. Il est difficile de rien trouver de plus prosaïque et de plus plat ; l’une d’elles commence par ces paroles :

    Apportez la bougie et baissez la plaque du foyer !

    Horace Walpole, homme de beaucoup d’esprit, se moquait non-seulement d’Akenside, mais de ses contemporains Thompson et Gray. Thompson, malgré son remarquable talent descriptif, est un poète lourd, fécond en paroles, pauvre d’idées, un pesant coloriste à la manière de certains élèves de Rubens. Beattie, dont le Minstrel contient quelques jolies strophes et quelques vers heureux, n’avait pour muse qu’une faible déesse, poitrinaire et essoufflée, qui ne pouvait ni fournir une longue carrière, ni se livrer à l’inspiration. Parnell était quelque chose de moins encore. Walpole avait raison de préférer à la triste et laborieuse fadeur de ces poètes l’extravagance de Nathaniel-Lee et la verve sombre de Marlowe. « J’aime mieux, disait-il, faire une orgie qui m’amuse et qui m’expose à être ramassé par la garde, que d’entendre radoter ma grand’mère, tous les soirs, au coin du feu. »

    À la fin du xviiie siècle, la poésie était didactique : Thompson, Akenside, Beattie, n’ont écrit que des traités en vers. La vraie poésie de passion et d’ame était morte. La gloire de Cowper et celle de Burns est de l’avoir ressuscité.