Lady Mowbray ferma les portes et attira sa nièce sur le balcon de sa chambre. Là, elle s’assit sur une chaise et la fit asseoir à ses pieds sur un tabouret ; elle attira sa tête sur ses genoux et prit ses mains dans les siennes, que Sarah couvrit de larmes et de baisers.
— Oh ! ma tante, ma chère tante, pardonnez-moi, je suis coupable…
— Non, Sarah, vous n’êtes pas coupable ; je n’ai qu’un reproche à vous faire, c’est d’avoir manqué de confiance en moi. Votre réserve a fait tout le mal, mon enfant ; maintenant il faut être franche, il faut tout me dire… tout ce que vous savez…
Lady Mowbray prononça ces paroles dans une angoisse mortelle ; et en attendant la réponse de sa nièce, elle sentit son front se couvrir de sueur. Sarah avait-elle découvert à quel titre Olivier vivait, ou du moins avait vécu auprès d’elle durant plusieurs années ? Lady Mowbray ne savait pas quelle raison Sarah pouvait avoir pour renoncer tout à coup à une espérance si long-temps nourrie en secret, et frémissait d’entendre sortir de sa bouche des reproches qu’elle pensait mériter. Un poids énorme fut ôté de son cœur lorsque Sarah lui répondit avec assurance : — Oui, ma tante, je vous dirai tout ; que ne vous ai-je dit plus tôt mes folles pensées ! vous m’auriez empêchée de m’y livrer ; car vous saviez bien que votre fils ne pouvait pas m’épouser…
— Mais, Sarah, quelles sont vos raisons pour le croire ?… Qui vous l’a donc dit ?
— Olivier, répondit Sarah. Ce matin, nous causions de choses indifférentes dans le parc ; nous étions près de la grille qui donne sur la route. Une noce vint à passer, nous nous arrêtâmes pour voir la figure des mariés ; je remarquai qu’ils avaient l’air timide. — Ils ont l’air triste, répondit Olivier. Comment ne l’auraient-ils pas ? Quelle chose stupide et misérable qu’un jour de noce ! — Eh quoi ! lui dis-je, vous voudriez qu’on se mariât en secret ? Ce serait encore bien plus triste. — Je voudrais qu’on ne se mariât pas du tout, répondit-il : pour moi, j’ai le mariage en horreur et je ne me marierai jamais. — Oh ! ma chère tante, cette parole m’enfonça un poignard dans le cœur ; en même temps elle me sembla si extraordinaire, que j’eus la hardiesse d’insister et de lui dire, en affectant de le plaisanter : — Vous ne savez guère ce que vous ferez à cet égard-là.