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deur qu’autrefois. Avait-il obéi à la loi du temps, et son amour pour lady Mowbray avait-il fait place à l’amitié ? il n’en savait rien lui-même, et Métella n’avait jamais eu l’imprudence de l’interroger à cet égard. Elle jouissait de son affection sans l’analyser. Trop sage et trop juste pour n’en pas sentir le prix, elle s’appliquait à rendre douce et légère cette chaîne qu’Olivier portait avec reconnaissance et avec joie.

Métella était si supérieure à toutes les autres femmes, sa société était si aimable, son humeur si égale, elle était si habile à écarter de son jeune ami tous les ennuis ordinaires de la vie, qu’Olivier s’était habitué à une existence facile, calme, délicieuse tous les jours, quoique tous les jours semblable. Quand il fut seul, il s’ennuya horriblement, engendra malgré lui des idées sombres, et s’effraya de penser que lady Mowbray pouvait et devait mourir long-temps avant lui.

Métella retira sa nièce du couvent et reprit avec elle la route de Genève. Elle avait fait toutes choses si précipitamment dans ce voyage, qu’elle avait à peine vu Sarah ; elle était partie de Paris le même soir de son arrivée. Ce ne fut qu’après douze heures de route, que, s’éveillant au grand jour, elle jeta un regard attentif sur cette jeune fille étendue auprès d’elle dans le coin de sa berline.

Lady Mowbray écarta doucement la pelisse dont Sarah était enveloppée, et la regarda dormir. Sarah avait quinze ans ; elle était pâle et délicate, mais belle comme un ange. Ses longs cheveux blonds s’échappaient de dessous son bonnet de dentelle, et tombaient sur son cou blanc et lisse, orné çà et là de signes bruns semblables à de petites mouches de velours. Dans son sommeil, elle avait cette expression raphaélique qu’on avait si long-temps admirée dans Métella, et dont elle avait conservé la noble sérénité en dépit des années et des chagrins. En retrouvant sa beauté dans cette jeune fille, Métella éprouva comme un sentiment d’orgueil maternel. Elle se rappela son frère qu’elle avait tendrement aimé, et qu’elle avait promis de remplacer auprès du dernier rejeton de leur famille ; lady Mowbray était le seul appui de Sarah, elle retrouvait dans ses traits le beau type de ses nobles ancêtres. En la lui rendant au couvent avec des larmes de regret, on lui avait dit