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MÉTELLA.

d’une fraîche et brutale beauté de Suissesse. Les sculpteurs et les peintres en eussent pensé ce qu’ils auraient voulu ; Olivier se dit qu’il valait toujours mieux avoir seize ans que cet âge problématique dont les femmes cachent le chiffre comme un affreux secret.

Ce regard fut prompt ; mais il n’échappa point au comte, et lui fit involontairement mordre sa lèvre inférieure.

Quant à Olivier, ce fut l’affaire d’un instant ; il se remit et veilla mieux sur lui-même : il se dit qu’il ne serait point amoureux, mais qu’il pouvait fort bien, sans se compromettre, agir comme s’il l’était ; car, si lady Mowbray n’avait plus le pouvoir de lui faire faire des folies, elle valait encore la peine qu’il en fît pour elle. Il se trompait peut-être ; peut-être une femme en a-t-elle le pouvoir tant qu’elle en a le droit.

Le comte, dissimulant aussi sa mortification, présenta Olivier à lady Mowbray avec toutes sortes de cajoleries hypocrites pour l’un et pour l’autre ; et au moment où Métella tendait sa main au Génevois en le remerciant du service qu’il avait rendu à son ami, le comte ajouta : — Et vous devez aussi des remerciemens de l’enthousiasme passionné qu’il professe pour vous, madame. Celui-ci mérite plus que les autres, il vous a adorée avant de vous voir.

Olivier rougit jusqu’aux yeux, mais lady Mowbray lui adressa un sourire plein de douceur et de bonté ; et lui tendant la main : — Soyons donc amis, lui dit-elle, car je vous dois un dédommagement pour cette mauvaise plaisanterie de monsieur.

— Soyez ou non sa complice, répondit Olivier, il vous a dit ce que je n’aurais jamais osé vous dire. Je suis trop payé de ce que j’ai fait pour lui. — Et il baisa résolument la main de lady Mowbray.

— L’insolent ! pensa le comte.

Pendant le déjeuner, le comte accabla sa maîtresse de petits soins et d’attentions. Sa politesse envers Olivier ne put dissimuler entièrement son dépit ; Olivier cessa bientôt de s’en apercevoir. Lady Mowbray, de pâle, nonchalante et un peu triste qu’elle était d’abord, devint vermeille, enjouée et brillante. On n’avait exagéré ni son esprit ni sa grace. Lorsqu’elle eut parlé, Olivier la trouva rajeunie de dix ans ; cependant son bon sens naturel l’empêcha de se tromper sur un point important. Il vit que Métella, sincère dans sa bienveillance envers lui, ne tirait sa gaîté, son plaisir et son rajeunisse-