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DU POLYTHÉISME ROMAIN.

tion qui s’établit entre les dogmes et les lumières, dans la tendance de l’allégorie à détruire la religion, dans la substitution des causes naturelles aux causes surnaturelles. Cependant la philosophie grecque contribua surtout à dénaturer le polythéisme populaire de la Grèce, et quand elle fut persécutée par le culte officiel, elle rendit guerre pour guerre. Dans cette lutte paraissent devant le lecteur Xénophane, Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote, Épicure, les sceptiques et les stoïciens. La philosophie grecque vint à Rome. Les Romains se partagèrent plutôt entre les systèmes qui se présentèrent à eux, qu’ils ne les analysèrent ; et la philosophie, depuis son apparition à Rome jusqu’à la chute du polythéisme, eut quatre époques bien distinctes dans ses destinées. Les mystères exercèrent aussi une influence sensible sur la décadence de la vieille religion. Arrivé à ce point, Benjamin Constant jette un regard profond et sévère sur l’espèce humaine, son esclavage, son incrédulité, ses superstitions et son désespoir ; il apprécie ingénieusement les efforts que fait l’homme pour se rattacher à la religion tombée, et la tendance qui le pousse à recomposer une unité. Ici le nouveau platonisme, dont Plotin est le représentant, est considéré dans ses tentatives enthousiastes et son inévitable impuissance. Le théisme, au contraire, marche d’un pas rapide à la conquête des intelligences et des cœurs. La lutte du polythéisme et du théisme amène la ruine définitive de la vieille religion, et le théisme s’établit comme religion positive et triomphante.

Ce plan est bien ordonné. Les déductions successives du développement historique s’enchaînent avec méthode, et l’auteur qui s’était tracé cette carrière, sans avoir pu la fournir entièrement, connaissait bien toute l’étendue de son sujet. Nous avons néanmoins à relever plusieurs faiblesses et plusieurs ellipses dans cette composition : nous nous attacherons seulement à quelques points capitaux.


Il nous semble que Benjamin Constant n’a pas assez vivement marqué le caractère politique de la religion chez les Romains. Il a observé avec raison que le polythéisme, dans la ville de Camille et de Caton, avait, sous le rapport moral, plus de pureté que le polythéisme grec ; mais si la religion romaine est plus sévère et plus