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au-dessus de l’orchestre, en regard de la tragédie antique ainsi personnifiée, eussent figuré la comédie grecque et sa fille la comédie latine. Là, s’élevaient encore trois grandes figures, celles d’Aristophanes, de Térence et de Plaute. Des scènes tirées de leurs ouvrages, dessinées avec finesse et esprit, remplissaient des médaillons sous lesquels on lisait les noms des comiques moins célèbres, Cratinus, Cratès, Ennicus, Ménandre. Les loges offraient des médaillons ornés de sujets pris dans les théâtres étrangers, et sur le rideau qui représentait une tapisserie, se trouvaient brodées les scènes de notre ancien théâtre, des processions, des moralités, des mystères, des sotties jouées par les confrères de la passion, les bazochiens, les enfans sans-souci, etc. Des bas-reliefs, placés sur l’avant-scène, reproduisaient les principaux personnages du théâtre de l’hôtel de Bourgogne, sous le costume qu’ils affectaient ; c’étaient Guillot Gorju, Pierrot, Jodelet, dame Ragonde, Gros-Guillaume, Pascarel, Gaultier Garguille ; sur les écussons, les noms des auteurs dramatiques du quinzième et du seizième siècles, Simon Greban, Jehan Bouchet, Alex. Hardi, Jodelle, Jehan d’Abumdance, Pierre Gringore ; enfin le balcon et la première galerie étaient réservés à reproduire des scènes de nos chefs-d’œuvre. On voit que ce plan était complet, trop complet ; car au moment de l’exécuter, M. Fontaine vint armé de sa canne, et réclama, du même ton que M. Cousin, le monopole des ornemens et décorations du théâtre royal. Le ministre du commerce et ses bureaux eurent beau s’opposer à cette prétention de M. Fontaine, M. Fontaine est plus puissant encore que M. Cousin ; il fallut bien subir ses prétentions, et repousser M. Chenavard. Encore si on donnait à M. Chenavard une place d’inspecteur de l’agriculture ! mais il y a lieu de croire qu’il en sera pour ses frais d’imagination et ses dessins. Cependant M. de Montalivet fait des rapports au roi où il le loue de la protection éclairée qu’il accorde aux arts, avec une emphase qui eût fait rougir Louis xiv, l’homme le moins modeste de son royaume. Le rapport de M. de Montalivet, sur le château de Versailles, restera comme un monument d’une autre nature que l’édifice qu’il propose de restaurer. — Il était digne de Votre Majesté de s’occuper du château de Versailles. — Votre Majesté a daigné développer un plan qui est une haute pensée. — Le vaste projet conçu par Votre Majesté, est le plus vaste, etc. — Telles sont les phrases qui se heurtent harmonieusement dans le rapport de M. de Montalivet ; rapport qui n’a d’autre but que de soumettre au roi Louis-Philippe les idées conçues par le roi Louis-Philippe, et de le prier audacieusement de vouloir bien leur accorder son approbation. Et le roi Louis-Philippe, toujours bon et clément, s’est empressé d’écrire de sa main au bas du rapport : approuvé. Le roi approuve le roi. Vive le roi !