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UNE CONJURATION D’AUTREFOIS.

BESTIA.

Je ne vous ai jamais fait tuer.

PREMIER ESCLAVE.

Tu y aurais trop perdu, vieil usurier ; tu ne fais pas tuer non plus tes chevaux, quand ils sont sains et robustes : veux-tu prendre à intérêt nos cent sesterces, car le sénat nous a donné de l’argent qu’il te fera rendre sans doute !

(Ils dansent en rond autour de Bestia, jetant leurs bonnets en l’air ; Bestia est à genoux, leur tendant les mains.)
PREMIER ESCLAVE.

Je suis libre, Bestia ; (jetant son bonnet à terre) ramasse mon bonnet.


Scène II.


Les Mêmes, VERCINGETORIX entre.
BESTIA.

À mon secours, Vercingetorix !

PREMIER ESCLAVE.

Tu t’adresses bien, c’est un homme libre de plus.

VERCINGETORIX.

Arrière ! je ne suis point délateur ; je ne vous connais plus, car vous valez moins, depuis que vous valez plus. Pourquoi m’avez-vous oublié au tribunal du consul, pourquoi oubliez-vous tous vos frères qui resteront esclaves dans Rome ? Allez, vous êtes libres ; il y a peut-être une récompense double pour le Gaulois affranchi qui dénonce le Gaulois esclave.

BESTIA.

Bon Vercingetorix !

PREMIER ESCLAVE.

Tu ne veux donc pas retourner dans notre belle patrie ? tu fais de la vertu pour avoir un autre maître ; on écrira sur ton front : Esclave fidèle, conspirateur muet ; et l’on t’achètera cher au grand jour de la vente des biens de Bestia.

VERCINGETORIX.

Vous n’êtes point encore assez riches pour m’acheter, cela viendra peut-être ; la délation mène loin, et je ne serais point surpris de vous voir tous siéger un jour au sénat, mes maîtres.