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UNE CONJURATION D’AUTREFOIS.

TERENTIA.

Je puis en dire autant de Curius.

SERVILIE.

Eh bien ! comprends donc mon effroi ! Si tu te plains parfois de l’absence de celui que tu aimes, que serait-ce si la mort…

TERENTIA.

Tu es folle. Les loups se mangent-ils entre eux ? Si cette prétendue conspiration échoue, on sacrifiera un plébéien, et tout sera dit.

SERVILIE.

C’est assez pour la vindicte publique ; mais songe donc aux vengeances particulières !

TERENTIA, riant.

Quant à moi, je ne crains rien pour Curius ; Cicéron ne se doute de rien : (Cicéron lève les yeux au ciel) il est plus le mari de Rome que le mien. Mais, en vérité, je te trouve ridicule ; tu es encore plus heureuse que moi ; tu es mère, ton fils s’appelle Brutus, parce que ton mari s’appelle Brutus, et tu passes pour la plus sévère matrone de Rome.

CICÉRON, (à part.)

Pauvre Brutus ! pauvre mari !…

SERVILIE.

Je crois aux pressentimens. Je veux avertir César, je veux l’arracher à la conspiration, devrai-je l’envoyer chercher au milieu même du sénat. Je veux lui écrire… Terentia, donne-moi le stylet. (Elle écrit.)

TERENTIA.

Pourvu que l’épître arrive à son adresse. Prends garde, les paroles s’envolent, les écrits restent.

SERVILIE pliant la lettre.

J’ai un esclave fidèle… mais j’entends du bruit…

TERENTIA.

C’est le manteau consulaire qui s’indigne dans la garde-robe.

CICÉRON à part.

Je n’y tiens plus. (Il se dispose à sortir de sa cachette lorsque entre Curius.) Curius ! ô dieux ! (Il se replace sous le rideau.)