Je puis en dire autant de Curius.
Eh bien ! comprends donc mon effroi ! Si tu te plains parfois de l’absence de celui que tu aimes, que serait-ce si la mort…
Tu es folle. Les loups se mangent-ils entre eux ? Si cette prétendue conspiration échoue, on sacrifiera un plébéien, et tout sera dit.
C’est assez pour la vindicte publique ; mais songe donc aux vengeances particulières !
Quant à moi, je ne crains rien pour Curius ; Cicéron ne se doute de rien : (Cicéron lève les yeux au ciel) il est plus le mari de Rome que le mien. Mais, en vérité, je te trouve ridicule ; tu es encore plus heureuse que moi ; tu es mère, ton fils s’appelle Brutus, parce que ton mari s’appelle Brutus, et tu passes pour la plus sévère matrone de Rome.
Pauvre Brutus ! pauvre mari !…
Je crois aux pressentimens. Je veux avertir César, je veux l’arracher à la conspiration, devrai-je l’envoyer chercher au milieu même du sénat. Je veux lui écrire… Terentia, donne-moi le stylet. (Elle écrit.)
Pourvu que l’épître arrive à son adresse. Prends garde, les paroles s’envolent, les écrits restent.
J’ai un esclave fidèle… mais j’entends du bruit…
C’est le manteau consulaire qui s’indigne dans la garde-robe.
Je n’y tiens plus. (Il se dispose à sortir de sa cachette lorsque entre Curius.) Curius ! ô dieux ! (Il se replace sous le rideau.)