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tions étrangères furent fidèlement remplis par Santa-Anna : ainsi il paya du produit de la douane de la Vera-Cruz les dividendes de l’emprunt anglais au moment précis des échéances. Il laissa les impôts tels qu’ils étaient, s’arrogeant seulement à lui-même l’exercice de l’autorité du gouvernement existant. Il avait heureusement trouvé le trésor des douanes de la Vera-Cruz dans un état prospère, et il put subvenir aux besoins de ses soldats.

Calderon, voyant Santa-Anna immobile, avançait toujours, mais lentement, à travers les forêts immenses et les montagnes qui séparent Mexico de la Vera-Cruz : il craignait quelque surprise de la part d’un général qui l’avait si souvent défait ; moins il rencontrait de dangers, et plus il en redoutait. Au milieu du chemin qui mène de la Vera-Cruz à la capitale, se trouve un pont magnifique nommé el puente del Rey, à l’entrée d’une gorge de montagnes impraticables. Dans tous les précédens soulèvemens, les révoltés y avaient établi des postes militaires nombreux, qui toujours avaient disputé avec avantage le passage à l’ennemi. Santa-Anna, fidèle à son plan, fit retirer ses troupes, et laissa libre l’entrée de la tierra caliente. Calderon ne pouvait croire qu’on lui abandonnât ainsi un point qu’il regardait comme le boulevard de son adversaire : était-ce faiblesse ? était-ce un piége ? Dès-lors il ne marcha plus qu’avec des précautions infinies, se fortifiant dans toutes ses haltes, comme s’il eût été menacé d’une attaque. Sa prudence lui fut favorable, heureux s’il eût su l’allier à plus de fermeté et à une habileté plus grande.

Le bouillant courage de Santa-Anna ne put s’accommoder long-temps du système négatif qu’il avait adopté, et qui cependant devait le faire triompher. Il s’impatientait des lenteurs de son ennemi, et ne soutenait qu’avec peine les murmures des habitans et de son armée, qui demandaient pourquoi il restait ainsi enfermé dans ses murailles, et qui l’accusaient de prolonger inutilement une guerre qu’une seule affaire pouvait terminer. Le commerce que ces troubles civils paralysaient hâtait de tous ses vœux l’instant de leur conclusion. Il fallait contenir les dix-huit cents hommes que renfermait la Vera-Cruz, et dont douze cents seulement étaient des troupes régulières ; le reste n’était qu’un ramas d’Indiens armés de leurs machettes[1],

  1. La machette est une espèce de sabre dont les Indiens sont toujours armés : elle leur sert d’arme offensive et de hache pour couper les branches d’arbres. Ils ne s’en séparent jamais, et la nuit ils l’ont à leur côté.