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étaient frappés d’un tel discrédit par les étrangers qui monopolisent le commerce du pays, que, dans leurs transactions avec les habitans, ils ne les recevaient qu’avec une perte de 30, 40 et 50 pour cent, tandis qu’ils les rendaient au trésor public au pair. Alaman s’empressa de retirer ces billets de la circulation, et souleva contre lui la haine des étrangers, dont il arrêtait ainsi les déprédations.

D’un autre côté, les étrangers faisaient la contrebande avec une audace inouïe ; Alaman organisa une douane bien disciplinée, fit confisquer plusieurs marchandises de contrebande, et augmentant par une bonne administration les revenus du trésor public, le mit en état de payer la dette nationale. Désireux de voir ses compatriotes se lancer dans les opérations commerciales, et faire valoir les ressources immenses de leur pays, l’un des plus riches de l’univers, il refusa certains privilèges que les étrangers lui demandaient, chercha à exciter l’émulation des Mexicains, établit aux frais de l’état des manufactures qui devaient être alimentées par les productions du pays, et de nouveaux cris de haine se firent entendre. De tous côtés circulèrent des bruits fâcheux sur le gouvernement : les étrangers surtout, qui voyaient leur échapper une proie riche et sûre, publièrent que les ministres voulaient rappeler les Espagnols, constituer le centralisme, afin d’exercer eux-mêmes la tyrannie, anéantir le commerce étranger et chasser entièrement tous les commerçans autres que les Espagnols ; qu’un tel gouvernement était intolérable. Une mesure adoptée alors par le ministère donnait de la consistance à ces accusations. Les Espagnols sont bannis du Mexique par une loi ; mais les ministres, espérant qu’en leur permettant de rentrer, ils reviendraient avec leurs trésors, et que le pays en retirerait de grands avantages, laissèrent tomber la loi sans l’appliquer, et les Espagnols reparurent bientôt de tous côtés. Malheureusement le but principal fut manqué ; aucun Espagnol riche ne profita des bonnes dispositions du gouvernement, et ceux qui rentrèrent, se voyant tolérés, se crurent appuyés, et irritèrent l’opinion publique par leur indiscrétion. Alors des bruits sourds de conspiration contre la constitution fédérale se répandirent partout, fomentés par tous les mécontens de l’administration existante.