Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/600

Cette page a été validée par deux contributeurs.
594
REVUE DES DEUX MONDES.

Pauvre mademoiselle Boury, vous aussi vous êtes victime de l’ingratitude des rois ! Mais peut-être le roi Louis-Philippe n’est pas aussi ingrat qu’on le pense, et ne croit-il pas plus que nous à la réalité du coup de pistolet. Ce n’est pas à lui que mademoiselle Boury devait porter sa demande, que ne s’adressait-elle à M. Gisquet !

AMOUR ET FOI, POÉSIES, PAR M. ÉDOUARD TURQUÉTY.[1]

Né dans cette province de Bretagne, si féconde en poètes et en hommes fervens, M. Turquéty est lui-même un poète de foi et de conviction. Ce n’est pas pour prendre un beau thème de chant qu’il consacre sa lyre au christianisme, c’est parce qu’il est fidèle et croyant. Aussi les poésies qu’il publie sont-elles remarquables par un ton de douceur, de mélodie, de simplicité presque virginale, qui est la marque naturelle du poète chrétien. Comme art, l’exécution est pure, ferme, habile ; le rhythme a du développement et de l’harmonie. Comme inspiration, cette poésie sincère a quelquefois de la grandeur, toujours du charme : on y voudrait par momens plus de variété et d’orages, plus de traces des passions et des vicissitudes ; toute la portion gracieuse et triste qui répond à l’amour n’en est que le prélude, le rêve, l’étoile avant-courière ; mais la flamme même de la passion n’a point passé par là. À côté de ce quelque chose d’un peu matinal contraste vivement la couleur sombre et trop mystiquement effrayante sous laquelle le poète paraît juger certains grands évènemens du siècle. L’un et l’autre défaut tiennent évidemment à la même cause, à cette vie jusqu’ici trop intérieure et trop concentrée du poète. Mais loin de nous l’idée de lui conseiller d’en changer ! en lui laissant la foi, le sentiment des choses éternelles et le loisir d’exprimer ce qui fait sa joie ou sa crainte, cet éloignement du monde le rapproche des sources même de sa poésie : plus il y puisera avant, sans trop s’inquiéter des révolutions extérieures, des évènemens qu’on juge inexactement de loin, sans trop s’inquiéter aussi des formes et inspirations accréditées par nos auteurs illustres, plus il trouvera l’originalité et la profondeur qu’il atteint déjà. Dans la pièce intitulée : Souffrances d’hiver, il a quelque réminiscence d’une pièce de M. Hugo sur le même sujet : çà et là nous avons cru ainsi sentir passer dans la mélodie du poète quelque vague écho des puissantes voix ; quoique ces échos, chez M. Turquéty, nous reviennent toujours à travers les propres pensées de son cœur, mieux vaut que celles-ci nous arri-

  1. Un vol.  in-8o, Delaunay, au Palais-Royal ; Rennes, Molliex.