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REVUE DES DEUX MONDES.

sommeil des feuilles, sur l’écume que la lune répand à minuit dans les herbes, sur les bruits qu’on entend la nuit… Avez-vous remarqué cette grande voix aigre qui crie incessamment autour de l’horizon, et qui est si égale, si continue, si monotone, qu’on la prend souvent pour le silence ?

ACROCERONIUS.

J’ai écrit précisément un petit traité in-4o sur ce dont vous parlez ; mais, pour bien vous le faire comprendre, il faudrait sortir un peu du monde visible, et nous aventurer dans des questions d’astrologie, pour lesquelles vous auriez peut-être quelque répugnance.

ALDO.

L’astrologie ! oh ! tout au contraire, mon cher maître. Je serais très curieux d’avoir quelque notion sur cette science étonnante. J’y ai songé quelquefois, et si les préoccupations de mon esprit m’en avaient laissé le temps, j’aurais pris plaisir à soulever un coin du voile qui me cache cette mystérieuse Isis. Qui sait si la faiblesse de l’homme ne peut trouver dans ces profondeurs ignorées le secret du bonheur qu’elle cherche en vain ici-bas ? On est bientôt las et dégoûté d’analyser et d’interroger les choses qui existent matériellement. Le monde invisible n’est pas épuisé… et si je pouvais m’y élancer…

ACROCERONIUS.

Venez avec moi, mon cher fils, et nous tâcherons de bien observer la lune.

ALDO, remettant son épée dans le fourreau.

Allons-nous bien loin sur la montagne ?

ACROCERONIUS.

Aussi loin que nous pourrons aller. Vous me parliez de l’écume que répand la lune ; voyez-vous, mon cher fils, le règne végétal d’après toutes les classific…

(Ils sortent en causant.)


George Sand.