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ALDO LE RIMEUR.

JANE.

Voilà que vous me dites des choses que je n’entends plus ; et comme vous froncez le sourcil en me les disant, je dois croire que ce sont des choses dures et affligeantes pour moi. Vous avez un malheureux caractère, Aldo, un sombre esprit, en vérité !

ALDO.

Vous trouvez ?

JANE.

Oui, et j’en souffre.

ALDO.

Oh !… en ce cas je ne veux pas vous faire souffrir.

JANE.

Je vous pardonne.

ALDO, avec amertume.

Vous êtes bonne !

JANE.

C’est que je vous aime ; tâchez de m’aimer autant, et nous serons heureux.

ALDO.

J’y compte. En attendant, voulez-vous avoir la bonté d’appeler les voisines pour qu’elles viennent ensevelir le corps de ma mère ?

JANE.

J’y vais. Donnez-moi un baiser.

(Aldo la baise au front avec froideur.)
ALDO, seul.

Cette jeune fille est d’une merveilleuse stupidité ! elle me blesse et me choque sans s’en douter, elle m’accorde mon pardon quand c’est elle qui m’offense, et elle reçoit mon baiser sans s’apercevoir au froid de mes lèvres que c’est le dernier ! Mais la femme est donc un être bien lâche et bien borné ! Je croyais celle-ci plus naïve, plus abandonnée à ce que la nature leur inspire parfois de beau et de généreux ! Mais il y a dans le cœur un fonds d’égoïsme plus dur que le diamant, et aucun grand sentiment n’y peut germer. Toi qui te prétends descendue des cieux pour nous consoler, tu ne t’oublies pas toi-même dans le partage que tu veux établir entre nos des-