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MÉLANGES.

Les deux loups attaquaient de différens côtés, mais partout ils trouvaient un front de bataille redoutable. Les cochons s’étaient formés en cercle serré, tous la tête en dehors, et faisant claquer leurs dents d’une manière effrayante. De temps à autre, un des plus gros verrats faisait une sortie, mordait ou essayait de mordre le loup, puis rentrait dans les rangs que ses compagnons ouvraient pour le recevoir. Peu à peu l’attaque des loups se ralentit ; et, enfin, fatigués, saignans, découragés, ils prirent le parti de se retirer. La troupe victorieuse eut assez de prudence pour ne pas les poursuivre, et même jusqu’à ce qu’ils fussent entièrement hors de vue, elle conserva rigoureusement son ordre de bataille.

La disposition à vivre par troupes, si prononcée dans l’espèce du porc domestique, ne se montre point chez le sanglier, qui est un animal solitaire, même dans les lieux où ses habitudes naturelles sont le moins dérangées par le voisinage de l’homme. Cette différence est assez importante pour obliger de soumettre de nouveau à l’examen une opinion aujourd’hui généralement admise, celle que le sanglier commun est la souche de toutes les espèces et de toutes les variétés de nos cochons domestiques. Ne pourrait-on pas concevoir qu’il en fût de cette espèce comme de celle du cheval et probablement aussi de celle du bœuf ; qu’elle n’existât plus nulle part à l’état sauvage. Nous savons que les pécaris, deux autres espèces du genre cochon, qui sont propres au nouveau continent, ont l’habitude de vivre en troupe, et cette habitude les rend beaucoup plus propres que le sanglier de nos forêts à être domestiqués. Le petit du moins s’apprivoise avec une tout autre facilité que le marcassin ; j’en ai eu souvent la preuve. J’ai vu par exemple un petit pécari, qui venait d’être séparé du troupeau par des chasseurs, et qui, après avoir été porté une demi-heure par un d’eux, le suivait déjà comme un chien. Il est vrai que cet homme me dit que le petit animal ne le suivait ainsi que parce qu’à l’instant où il l’avait pris, il avait eu le soin de lui cracher dans la bouche. Mais quoique, pour me prouver l’efficacité de ce procédé, il me fit voir que ce jeune pécari léchait avidement la salive qui tombait à terre, j’avoue que je ne restai pas convaincu. Je dois même dire que tous les chasseurs n’emploient pas la même méthode, et que d’autres se contentent de faire tourner trois fois le pécari au-dessus de leur tête.

Les pécaris en troupe, je le dirai en passant, se défendent fort bien contre les chiens, et même, à ce qu’on assure, contre les jaguars. Si l’assaillant est assez imprudent pour se lancer jusqu’au milieu de leur troupe, il est infailliblement mis en pièces ; aussi les chiens qu’on emploie à cette chasse se gardent-ils bien de se commettre ainsi, et se contentent de tenir, par leur aboiement, le troupeau en échec jusqu’à l’arrivée de leur