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choisir entre les sympathies de naissance et les exigences du moment ; à la place des cinquante mille aristocrates de Louis xv, il poussa les cent soixante mille grands propriétaires et industriels de la restauration ; et la voûte monarchique s’abaissa d’un nouveau cran vers le peuple : — c’est le plus bas, — c’est le dernier.

Ainsi, après chaque révolution qui abat, vient le calme qui réédifie ; après chaque moisson fauchée, vient une terre en friche où germe une moisson nouvelle. Après le règne de Louis xi, cette terreur des grands vassaux, viennent les règnes de Charles viii et de Louis xii, où pousse la grande seigneurie. Après les règnes de Louis xiii et de Louis xiv, ce 93 de la grande seigneurie, vient la régence, pendant laquelle l’aristocratie sort de terre ; enfin, après le règne du comité de salut public, qui fauche les aristocrates, vient la restauration, pendant laquelle pointe la grande propriété.

Et c’est ici le moment de faire remarquer quelle analogie parfaite se trouve entre les réorganisateurs et la société réorganisée : Louis-Philippe, avec son costume si connu qu’il est devenu proverbial, ses mœurs si simples qu’elles sont devenues un exemple, n’est-il pas le type de la grande propriété et de la grande industrie ?

Louis xv, avec son habit de velours couvert de broderies et de paillettes, sa veste de soie, son épée à poignée d’acier et à nœud de rubans, ses mœurs débauchées, son esprit libertin, son égoïsme du présent et son insouciance de l’avenir, n’est-il pas le type complet des aristocrates ?

François Ier, avec son tortil surmonté de plumes, son pourpoint de soie, ses souliers de velours tailladés, son esprit élégamment hautain, ses mœurs noblement débauchées, n’est-il pas le type parfait des grands seigneurs ?

Enfin, Hugues Capet, leur ancêtre à tous, couvert de sa cuirasse de fer, appuyé sur son épée de fer, avec ses mœurs de fer, ne nous apparaît-il pas debout, à l’horizon de la monarchie, comme le type exact des grands vassaux ?

Une question, au-devant de laquelle nous n’avons point été de peur d’interrompre la série de nos preuves, doit naturellement se présenter ici à l’esprit de nos lecteurs.

« Dans ce grand système de la décadence monarchique que vous venez de nous présenter, que faites-vous de Napoléon ? »

Nous allons y répondre.

Trois hommes, selon nous, ont été choisis de toute éternité dans la pensée de Dieu, pour accomplir l’œuvre de la régénération : César, Karl-le-Grand, et Napoléon.