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ROLLA.


Si ce n’est pas ta mère, ô pâle jeune fille,
Quelle est donc cette femme assise à ton chevet,
Qui regarde l’horloge et l’âtre qui pétille,
En secouant la tête, et d’un air inquiet ?
Qu’attend-elle si tard ? — Pour qui, si c’est ta mère,
S’en va-t-elle entr’ouvrir, depuis quelques instans,
Ta porte et ton balcon… si ce n’est pour ton père ?
Et ton père, Marie, est mort depuis long-temps.
Pour qui donc ces flacons, cette table fumante,
Que de ses propres mains elle vient de servir ?
Pour qui donc ces flambeaux, et qui donc va venir ?
Qui que ce soit, tu dors ! — Tu n’es pas son amante.
Les songes de tes nuits sont plus purs que le jour,
Et trop jeunes encor pour te parler d’amour.

À qui donc ce manteau que cette femme essuie ?
Il est couvert de boue et dégouttant de pluie ;
C’est le tien, Maria, c’est celui d’un enfant.
Tes cheveux sont mouillés. Tes mains et ton visage
Sont devenus vermeils au froid souffle du vent.
Où donc t’en allais-tu par cette nuit d’orage ?
Cette femme n’est pas ta mère, assurément.

Silence ! on a parlé. Des femmes inconnues
Ont entr’ouvert la porte, — et d’autres demi-nues,
Les cheveux en désordre, et se traînant aux murs,
Traversaient en sueur des corridors obscurs.
Une lampe a bougé ; — les restes d’une orgie,
Aux dernières lueurs de sa morne clarté,
Sont apparus au fond d’un boudoir écarté.
Les verres se heurtaient sur la nappe rougie ;
La porte est retombée avec un rire affreux.

C’est une vision, n’est-il pas vrai, Marie ?
C’est un rêve insensé qui m’a frappé les yeux.
Tout repose, tout dort ; — cette femme est ta mère.
C’est le parfum des fleurs, c’est une huile légère