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MAGIE ORIENTALE.

manière à ce que la fumée, en s’élevant, enveloppât la tête de l’enfant. — Il l’engagea de nouveau à chercher dans l’encre le reflet de ses yeux, à regarder bien attentivement et à l’avertir dès qu’il verrait paraître un soldat turc (cavas) balayant une place. L’enfant baissa la tête, les parfums pétillèrent au milieu des charbons, et le magicien, d’abord à voix basse, puis l’élevant davantage, prononça une kirielle de mots dont à peine quelques-uns arrivèrent distinctement à nos oreilles.

Le silence était profond ; l’enfant avait les yeux fixés sur sa main ; la fumée s’éleva en larges flocons répandant une odeur forte et aromatique ; et Achmed, impassible dans son sérieux, semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de douce devenait saccadée, bruyante, une apparition trop tardive, quand tout à coup, jetant sa tête en arrière, poussant des cris et pleurant amèrement, l’enfant nous dit à travers les sanglots qui le suffoquaient, qu’il ne voulait plus regarder, qu’il avait vu une figure affreuse. Il semblait terrifié. L’Algérien n’en parut point étonné, et dit simplement : « Cet enfant a eu peur, laissez-le ; en le forçant, on pourrait lui frapper trop vivement l’imagination. »

On amena un petit Arabe au service de la maison, et qui n’avait jamais vu ni rencontré le magicien ; peu intimidé de tout ce qui venait de se passer, il se prêta gaîment aux préparatifs, et fixa bientôt ses regards dans le creux de la main, sur le reflet de sa figure, qu’on apercevait même de côté vacillant dans l’encre. Les parfums recommencèrent à s’élever en fumée épaisse, et les prières en forme d’un chant monotone, se renforçant et diminuant par intervalle, semblaient devoir soutenir son attention. — Le voilà, s’écria-t-il, et nous remarquâmes tous l’émotion soudaine et plus vive avec laquelle il porta ses regards sur le centre des signes magiques. — Comment est-il habillé ? — Il a une veste rouge, brodée d’or, un turban alepin et des pistolets à la ceinture. — Que fait-il ? — Il balaie une place devant une grande tente, si riche, si belle ! elle est ornée de rouge et de vert avec des boules d’or en haut. — Regardez, qui vient à présent ? (Après un instant d’attention, de silence et d’invocation). — C’est le sultan suivi de tout son monde ! Oh ! que c’est beau ! — Et l’enfant regardait à droite et à gauche comme dans les verres d’un optique dont on cherche à étendre l’espace, et avec