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INTRODUCTION À LA SCIENCE DE L’HISTOIRE.

êtres vivans qui l’ont habité : c’est la géogénie. L’examen de cette partie appartient spécialement à l’Académie des sciences. Nous avons cru y remarquer de grandes témérités, un jet impétueux d’imagination, cette affirmation sur la loi newtonienne, que la loi d’attraction n’est qu’une loi d’un ordre inférieur et subordonné, et destinée dans l’avenir à n’être que le corollaire d’une loi plus générale, de la théorie de l’électro-magnétisme. L’auteur avoue la hardiesse de son travail, qu’il a construit sans épargner les hypothèses. Genèse, création, énumération des jours de la création. De la nature, l’écrivain passe à l’histoire, et il trace une Genèse humanitaire ; c’est l’androgénie. Ce travail, qui ressort davantage de notre compétence, nous a semblé hardi, renfermant des principes et des aperçus justes, mais trop précipité, trop raccourci, trop mutilé ; contenant aussi quelques erreurs et quelques injustices historiques. Nous sommes du même avis que M. Buchez, quand il estime que les grandes traditions du monde sont vraies au fond, si ce n’est dans la forme. L’esquisse historique qu’il trace des temps primitifs, quoiqu’un peu fantastique, nous paraît cependant refléter des idées vraies au fond. La nécessité chronologique du christianisme est vivement sentie. Mais l’antiquité grecque et romaine est tout-à-fait tronquée ; le mouvement rationnaliste de l’arianisme n’est pas apprécié avec assez de justice ; le moyen âge est indiqué trop rapidement ; enfin l’auteur a fini son livre avec une précipitation ou une lassitude qui l’a laissé incomplet.

Tel est, dans son ensemble, l’ouvrage de M. Buchez. Nous nous sommes attachés à l’analyser en nous servant presque toujours des expressions mêmes de l’écrivain. Avant d’entrer dans l’examen de quelques points capitaux, et pour donner au lecteur une idée complète de la manière de l’auteur, nous citerons textuellement un ou deux passages. Le style de M. Buchez est tout ensemble ferme, simple, incorrect et diffus : quand la démonstration n’est pas imminente, ou le sentiment ardent et profond, la négligence et la diffusion règnent outre mesure ; mais dès que la pensée est originale et forte, elle communique à l’expression une simplicité mâle qui se fait remarquer. Ainsi, pour donner un exemple, j’aime cet éloge de la mort : « Sans la mort, il n’y aurait point de progrès, tout eût été immobilisé pour toujours ; la société hu-