Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
REVUE DES DEUX MONDES.

verte par M. Despine fils, l’un des médecins d’Aix. Il a fait bâtir au-dessus une petite fontaine classique, sur laquelle il a fait graver le nom plus classique encore de la déesse hygie, et au-dessous de ce mot ceux-ci : fontaine de saint-simon. J’ignore si l’étymologie de ce nom a quelque rapport avec le prophète des âges modernes.

On applique les eaux de cette fontaine au traitement des affections d’estomac et des maladies lymphatiques. Je la goûtai en passant, elle me parut d’un goût assez agréable.

Je revins juste pour l’heure du dîner. Lorsqu’il fut terminé, chacun se sépara, et je remarquai que personne ne se plaignit de la plus petite douleur de colique. Quant à moi, j’étais fatigué de mes courses de la journée : je me couchai.

À minuit, je fus réveillé par un grand bruit et une grande lueur. Ma chambre était pleine de baigneurs ; quatre tenaient à la main des torches allumées ; on venait me chercher pour monter à la Dent-du-Chat.

Il y a des plaisanteries qui ne paraissent bonnes à ceux qui en sont l’objet que lorsqu’ils sont eux-mêmes montés à un certain degré de gaîté et d’en-train. Certes ceux qui, à la suite d’un souper chaud de bavardage et de vin, les esprits bien animés par tous deux, craignant que le sommeil ne vînt éteindre l’orgie, proposèrent de passer le reste de la nuit ensemble et de l’employer à faire une ascension pour voir l’aurore se lever de la cime de la Dent-du-Chat, ceux-là durent avoir près des autres un succès admirable. Mais moi, qui m’étais couché calme et fatigué, avec l’espoir d’une nuit bien pacifique, et qui me trouvais réveillé en sursaut par une invitation aussi incongrue, je ne reçus pas, on le comprendra facilement, la proposition avec un grand enthousiasme. Cela parut fort extraordinaire à mes grimpeurs, qui en augurèrent que j’étais mal éveillé, et qui, pour porter mes esprits au complet, me prirent à quatre, et me déposèrent au milieu de la chambre. Pendant ce temps, un autre, plus prévoyant encore, vidait dans mon lit toute l’eau que j’avais eu l’imprudence de laisser dans ma cuvette. Si ce moyen ne rendait pas la promenade proposée plus amusante, il la rendait au moins à peu près indispensable. Je pris donc mon parti, comme si la chose m’agréait beaucoup, et, cinq minutes après, je fus prêt à me mettre en