Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.
295
RÉVOLUTIONS DE MADAGASCAR.

île, située à deux lieues de la grande terre, entre Foulepointe au sud et Tintingue au nord, présente une étendue de cinq lieues de long sur une largeur d’une lieue dans sa partie moyenne. Sa forme est à peu près oblongue, et sa partie ouest offre une échancrure assez vaste dont l’entrée est occupée par un rocher à moitié stérile, nommé îlot Louquet, qui n’est éloigné de la côte que d’une portée de fusil, et que des récifs entourent de toutes parts. Ce point, facile à fortifier, fut choisi pour être le centre de l’établissement, et les ouvriers commencèrent à y établir des logemens et une caserne. Exposés tout le jour à l’action d’un soleil brûlant pendant la saison la plus dangereuse de l’année, ces infortunés n’avaient d’autre asile que les navires à bord desquels ils allaient coucher chaque soir. Bientôt une mortalité effrayante se déclara parmi eux, et trois mois s’étaient à peine écoulés, que deux cents hommes de la nouvelle colonie n’existaient plus. Quelques-uns des survivans, effrayés, gagnèrent la grande terre, où ils s’établirent comme traitans. Les travaux se continuèrent lentement à l’aide d’esclaves malgaches, qui furent engagés pour quatorze années.

La première culture à laquelle se livrèrent les colons fut celle des gérofliers et des cafeyers. MM. Albran et Carayon, de concert avec M. Blevec, colon de Maurice, et capitaine de génie au service de France, en créèrent des plantations assez considérables à Ankarema dans la partie sud de l’île, qu’ils abandonnèrent plus tard pour fonder à Tsaharac, dans la partie opposée de Sainte-Marie, une sucrerie qui ne donna jamais de grands résultats. D’autres traitans se livraient exclusivement à la culture des vivres, et approvisionnaient les employés du gouvernement des fruits du pays et de la plupart des légumes d’Europe. Mais la subsistance de la colonie reposait principalement sur les Malgaches de la grande terre, qui apportaient du poisson, des fruits, du gibier, etc.

Malgré ces travaux, Sainte-Marie ne présenta jamais un aspect florissant. Ce n’était qu’un misérable rocher, défendu par quelques pièces de canon, qui devenait le tombeau de ceux que leurs fonctions y appelaient, ou qu’un esprit inquiet avait engagés à s’y établir. Les premiers désastres, fruits d’une impéritie inexcusable, avaient causé un effroi général, et la colonie ne reçut plus que quelques envois d’hommes sacrifiés en quelque sorte, qu’on y fai-