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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

de ses propres résolutions, Hilperik ne ressentit auprès de sa femme que de la froideur et de l’ennui. Ce moment, épié par Fredegonde, fut mis à profit par elle avec son adresse ordinaire. Il lui suffit de se montrer comme par hasard sur le passage du roi, pour que la comparaison de sa figure avec celle de Galesvinthe fît revivre, dans le cœur de cet homme sensuel, une passion mal éteinte par quelques bouffées d’amour-propre. Fredegonde fut reprise pour concubine, et fit éclat de son nouveau triomphe ; elle affecta même envers l’épouse dédaignée des airs hautains et méprisans. Doublement blessée comme femme et comme reine, Galesvinthe pleura d’abord en silence ; puis elle osa se plaindre, et dire au roi qu’il n’y avait plus dans sa maison aucun honneur pour elle, mais des injures et des affronts qu’elle ne pouvait supporter. Elle demanda comme une grâce d’être répudiée, et offrit d’abandonner tout ce qu’elle avait apporté avec elle, pourvu seulement qu’il lui fût permis de retourner dans son pays[1].

L’abandon volontaire d’un riche trésor, le désintéressement par fierté d’âme, étaient des choses incompréhensibles pour le roi Hilperik ; et n’en ayant pas la moindre idée, il ne pouvait y croire. Aussi, malgré leur sincérité, les paroles de la triste Galesvinthe ne lui inspirèrent d’autre sentiment qu’une défiance sombre, et la crainte de perdre, par une rupture ouverte, des richesses qu’il s’estimait heureux d’avoir en sa possession. Maîtrisant ses émotions et dissimulant sa pensée avec la ruse du sauvage, il changea tout d’un coup de manières, prit une voix douce et caressante, fit des protestations de repentir et d’amour qui trompèrent la fille d’Athanaghild. Elle ne parlait plus de séparation, et se flattait d’un retour sincère, lorsqu’une nuit, par l’ordre du roi, un serviteur affidé fut introduit dans sa chambre, et l’étrangla pendant qu’elle dormait. En la trouvant morte dans son lit, Hilperik joua de son mieux la surprise et l’affliction ; il fit même semblant de verser des larmes, et quelques jours après, il épousa Fredegonde.[2]

  1. Cùmque se regi quereretur assiduè injurias perferre, diceretque nullam se dignitatem cum eodem habere, petiit ut, relictis thesauris quos secum detulerat, liberam redire permitteret ad patriam. (Gregorii Turon. hist. Francorum ecclesiast., lib. iv, pag. 217.)
  2. Quod ille per ingenia dissimulans, verbis eam lenibus demulsit. Ad