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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

et, afin de conserver le titre de reine, elle envoya proposer à Gonthramn de la prendre pour épouse. Le roi accueillit très bien ce message, et répondit avec un air de parfaite sincérité : « Dites-lui qu’elle se hâte de venir avec son trésor ; car je veux l’épouser et la rendre grande aux yeux du peuple ; je veux même qu’auprès de moi elle jouisse de plus d’honneur qu’avec mon frère qui vient de mourir[1]. » Ravie de cette réponse, Theodehilde fit charger sur plusieurs voitures les richesses de son mari, et partit pour Châlons-sur-Saône, résidence du roi Gonthramn. Mais, à son arrivée, le roi, sans s’occuper d’elle, examina le bagage, compta les chariots, fit peser les coffres ; puis il dit aux gens qui l’entouraient : « Ne vaut-il pas mieux que ce trésor m’appartienne plutôt qu’à cette femme, qui ne méritait pas l’honneur que mon frère lui a fait en la recevant dans son lit[2] ? » Tous furent de cet avis, le trésor de Haribert fut mis en lieu de sûreté, et le roi fit conduire sous escorte, au monastère d’Arles, celle qui, bien à regret, venait de lui faire un si beau présent.

Aucun des deux frères de Gonthramn ne lui disputa la possession de l’argent et des effets précieux qu’il venait de s’approprier par cette ruse ; ils avaient à débattre, soit avec lui, soit entre eux, des intérêts d’une bien autre importance. Il s’agissait de réduire à trois parts, au lieu de quatre, la division du territoire gaulois, et de faire, d’un commun accord, le partage des villes et des provinces qui formaient le royaume de Haribert. Cette nouvelle distribution se fit d’une façon encore plus étrange et plus désordonnée que la première. La ville de Paris fut divisée en trois, et chacun des frères en reçut une portion égale. Pour éviter le danger d’une invasion par surprise, aucun ne devait entrer dans la ville sans le consentement des deux autres, sous peine de perdre non-seulement sa part de Paris, mais sa part entière du royaume de Haribert. Cette

  1. Accedere ad me ei non pigeat cum thesauris suis, ego enim accipiam eam, faciamque magnam in populis… (Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast. lib. iv, pag. 216.)
  2. Rectius est enim ut hi thesauri penes me habeantur, quàm post hanc, quæ indignè germani mei thorum adivit. (Gregorii Turon. hist. Francorum ecclesiast. lib. iv, pag. 216.)