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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

moindre apparence étaient occupées par un grand nombre de familles qui exerçaient, hommes et femmes, toutes sortes de métiers, depuis l’orfèvrerie et la fabrique des armes jusqu’à l’état de tisserand et de corroyeur, depuis la broderie en soie et en or jusqu’à la plus grossière préparation de la laine et du lin. La plupart de ces familles étaient gauloises, nées sur la portion du sol que le roi s’était adjugée comme part de conquête, ou transportées violemment de quelque ville voisine pour coloniser le domaine royal ; mais, si l’on en juge par la physionomie des noms propres, il y avait aussi, parmi elles, des Germains et d’autres barbares dont les pères étaient venus en Gaule, comme ouvriers ou gens de service à la suite des bandes conquérantes. D’ailleurs, quelle que fût leur origine ou leur genre d’industrie, ces familles étaient placées au même rang et désignées par le même nom, par celui de lites en langue tudesque, et en langue latine par celui de fiscalins, c’est-à-dire attachés au fisc[1]. Des bâtimens d’exploitation agricole, des haras, des étables, des bergeries et des granges, les masures des cultivateurs et les cabanes des serfs du domaine complétaient le village royal, qui ressemblait parfaitement, quoique sur une plus grande échelle, aux villages de l’ancienne Germanie. Dans le site même de ces résidences, il y avait quelque chose qui rappelait le souvenir des paysages d’outre-Rhin ; la plupart d’entre elles se trouvaient sur la lisière, et quelques-unes au centre des grandes forêts mutilées par la civilisation, et dont nous admirons encore les restes.

Braine fut le séjour favori de Chlother, le dernier des fils de Chlodowig, même après que la mort de ses trois frères lui eut donné la royauté dans toute l’étendue de la Gaule. C’était là qu’il faisait garder, au fond d’un appartement secret, les grands coffres

  1. Fiscalini, Liti, Lidi, Lazi. V. tom. iv, Rerum francic. script, passim. Lite, ou Lete, ou Lase, selon les différens dialectes, devait signifier simplement un homme de moindre condition, un homme de rang inférieur, un homme du dernier rang ; en anglais moderne, little, petit, lesser, moindre, last, dernier ; en allemand, letzte, dernier. On trouve dans les anciens actes l’expression minor persona, debilior persona, pour désigner l’homme qui n’était pas de condition libre.