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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

tellement variés, que le seul embarras qu’on éprouve est celui de mettre en ordre un si grand nombre de détails. C’est surtout la dernière moitié du sixième siècle qui offre, en ce genre, aux écrivains et aux lecteurs de nos jours, le plus de richesse et d’intérêt, soit que cette époque, la première du mélange entre les indigènes et les conquérans de la Gaule, eût, par cela même, quelque chose de poétique ; soit qu’elle doive cet air de vie au talent naïf de son historien, Georgius-Florentius-Gregorius, connu sous le nom de Grégoire de Tours. En effet, il faut descendre jusqu’au siècle de Froissard, pour trouver un narrateur qui l’égale dans l’art de mettre en scène les personnages et de peindre par le dialogue. Tout ce que la conquête de la Gaule par les Franks avait mis en regard ou en opposition sur le même sol, les races, les classes, les conditions diverses, figure pêle-mêle dans ses récits, quelquefois plaisans, souvent tragiques, toujours vrais et animés. C’est comme une galerie mal ordonnée de tableaux et de figures en relief, ce sont de vieux chants nationaux, rangés presque au hasard, écourtés, se suivant sans liaison, mais dont une main habile pourrait composer un grand poème. En un mot, je crois qu’il y aurait à faire, sur Grégoire de Tours et sur ses contemporains, un beau travail d’art en même temps que de science historique.

Si je n’ose entreprendre ce travail dans toute son étendue, si le poème entier est au-dessus de mes forces, je puis du moins vous en promettre quelques épisodes, quelques fragmens, capables de donner une idée vraie de cette étrange confusion d’hommes et de choses qui remplit la période mérovingienne. La difficulté consistera, pour moi, à bien choisir, à prendre çà et là des faits de détail, épais et incohérens, pour les lier ensemble, les grouper et en former de grandes masses de récits. La manière de vivre des rois, l’intérieur de la maison royale, la vie orageuse des seigneurs et des évêques, l’usurpation, les guerres civiles et les guerres privées, la turbulence intrigante des Gallo-Romains et l’indiscipline brutale des barbares, l’esprit de révolte et de violence régnant jusque dans les monastères de femmes, tels sont les tableaux divers que je veux essayer de tracer à l’aide des monumens contemporains, et dont la réunion doit offrir une vue du sixième siècle en Gaule. J’apporterai un soin minutieux à étudier et à suivre, dans toutes ses phases, la