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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

évita ; Rouen, Bordeaux, Lyon ! vous pûtes montrer à la trace sa fuite saignante ; elle ne voulut pas guérir. Sous son masque de Thalie, pour parler ici comme elle ce mythologique langage, elle ne sécha pas une seule de ses larmes. Son existence heureuse n’avait duré qu’un éclair, alors, dit-elle avec souffle,


Alors que dans l’orgueil des amantes aimées
Je confiais mon âme aux cordes animées.


Mais à partir du jour où le charme se brisa, ce ne fut plus sur cette figure mélancolique et frappée, sous ces longs cheveux cendrés, éplorés, qui pendent, ce ne fut plus qu’une pâleur mortelle. Malgré les diversions inévitables, les sourires donnés à la foule et reçus, le monde devint comme une plage solitaire de Leucate à cette Sapho désespérée ; et sa plainte éternellement déchirante répète à travers tout :


Malheur à moi ! je ne sais plus lui plaire,
Je ne suis plus le charme de ses yeux ;
Ma voix n’a plus l’accent qui vient des cieux,
Pour attendrir sa jalouse colère ;
Il ne vient plus, saisi d’un vague effroi,
Me demander des sermens ou des larmes :
Il veille en paix, il s’endort sans alarmes ;
Malheur à moi !


ou encore, un souvenir obstiné lui crie :


Quand il pâlit un soir et que sa voix tremblante
S’éteignit tout à coup dans un mot commencé ;
Quand ses yeux soulevant leur paupière brûlante
Me blessèrent d’un mal dont je le crus blessé ;
Quand ses traits plus touchans, éclairés d’une flamme
Qui ne s’éteint jamais,
S’imprimèrent vivans dans le fond de mon âme ;
Il n’aimait pas, j’aimais !


Quiconque, à une heure triste, recueille, en passant sur la grève, ces accens éperdus, ces notes errantes et plaintives, se surprend