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et obligé de vendre tous ses biens. Ne voulant plus vivre dans les lieux témoins de sa prospérité passée, il achète un terrein dans le Kentucky, alors presque désert, et part pour s’y rendre avec toute sa famille. Neuf ans s’écoulent sur lesquels l’auteur saute à pieds joints ; la petite colonie a prospéré ; le colonel est devenu un homme grave, rangé, complètement revenu des folies de sa jeunesse. Sa fille Virginie et son fils Léonard sont maintenant deux jeunes gens, la première parée de tous les charmes, le second de tous les talens, qui ne coûtent à messieurs les romanciers que la peine de les décrire. Un personnage se présente à Dangerfieldville pour s’établir ; ce nouveau venu inspire une vive passion à la jeune Virginie : mais Rainsford, c’est le nom de l’inconnu, est en proie à une sombre mélancolie. Sa conduite est étrange, mystérieuse, et ce n’est qu’après de longs délais qu’il avoue à Virginie la cause secrète de ses noirs chagrins. Il appartient à une famille dont tous les membres, de père en fils, deviennent fous à un certain âge, et l’époque approche où son tour va venir. Il a fui sa patrie pour se dérober à la fatalité qui pèse sur sa race. Or, après maints symptômes, l’inexorable folie s’empare de sa victime. Rainsford s’enfuit dans les bois où on finit par le retrouver, au bout de quelques mois, hâve, décharné et barbu à faire peur. Il guérit cependant, et épouse sa maîtresse ; sur quoi le roman finit.

À côté de ces personnages qui appartiennent en propre à l’auteur, et dont aucun ne sort des banalités qui traînent dans tous les romans, se trouvent groupés plusieurs autres, dont le type, pour la plupart, existe déjà dans Cooper. Tels sont un certain Bushfield qui n’est autre chose que Bas-de-Cuir réduit à de maigres proportions, et un Indien dit le Guerrier-Noir, copie encore plus terne du Chingachgook du Dernier des Mohicans. C’est une grande outrecuidance à M. Paulding de s’être ainsi attaqué à deux figures que tout le monde a présentes à la pensée, et dont la première est une des plus admirables conceptions qui soit jamais sortie du cerveau d’un romancier. Ajoutez à cela quelques peintures assez faibles des mœurs des bateliers de l’Ohio, et de celles des Français du village de Saint-Louis, sur les bords du Missouri, et vous aurez une idée complète de l’ouvrage qui donne bien quelques espérances pour l’avenir, mais rien de plus.

M. Pons, dans son Mauvais Ménage[1], nous a cruellement sacrifiés, nous autres hommes, en mettant tous les torts du côté du mari, dans l’union conjugale qu’il a choisie pour exemple. Rien ne manque à son livre pour en faire un bon mélodrame de la vieille roche, qu’un arrangeur qui veuille bien

  1. Chez Hypolite Souverain.