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chez les vieillards qui parlent de leurs premières années, il n’a jamais dépassé les limites tracées par le cadre même du sujet. Il ne s’est pas fait le héros de ses mémoires. Il avait ajouté à ce travail plusieurs essais sur la poésie dramatique, qui n’ont pas été publiés.

Le recueil complet de ses œuvres, imprimé il y a vingt-cinq ans, contient trois ouvrages destinés au théâtre et un traité politique. Le compte rendu des actes du parlement en 1784 fut écrit d’après les conseils réitérés de M. Dundas, depuis lord Melville, l’un des plus fidèles amis de Mackenzie. M. Pitt revit lui-même le manuscrit de cet ouvrage, avec une attention particulière, y fit plusieurs corrections de sa main, et quelques années après, Mackenzie, sur la recommandation de lord Melville et de Right Hon. George Rose, fut nommé contrôleur des taxes pour l’Écosse.

Entre ses ouvrages dramatiques, deux ont été représentés, à savoir, le Prince de Tunis, tragédie fort applaudie à Édimbourg en 1763, l’Hypocrite, comédie jouée une fois seulement à Covent-Garden. Le Père espagnol n’a jamais paru sur la scène, d’après l’avis de Garrick qui, tout en louant la beauté poétique et l’énergie de quelques scènes, et regrettant de ne pouvoir remplir le rôle d’Alphonso, personnage principal de la pièce, avait déclaré l’ouvrage inacceptable au théâtre à cause de la catastrophe. La lecture, je l’avoue, m’a rangé à l’opinion de Garrick, mais par des motifs tout différens.

Mackenzie est mort l’année dernière, à l’âge de quatre vingt-sept ans ; avec lui s’est éteinte cette génération illustre dont la France peut, à bon droit, réclamer les premières entreprises comme une partie de son patrimoine littéraire. L’auteur de Julia de Roubigné est le dernier portrait de cette glorieuse galerie où figurent Robertson, Smith, Hume, Fergusson. Or, on le sait, c’est de la France qu’est partie la lumière philosophique à laquelle nous devons l’Histoire de Charles-Quint, l’Essai sur les richesses, l’Histoire des Plantagenet, des Tudor et des Stuart, l’Histoire de la société civile et de la république romaine. Si le travail, en se divisant, s’est perfectionné, si Hume, Robertson et Fergusson ont éclairé certaines parties du passé d’un jour plus sûr que l’auteur de l’Essai sur les mœurs, il ne faut pas oublier non plus que Voltaire a eu le