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fouetté[1]. En Bretagne, comme en Irlande, le catholicisme est cher aux hommes comme symbole de la nationalité. La religion y a surtout une influence politique. Un prêtre irlandais qui se fait ami des Anglais est bientôt chassé du pays[2]. Nulle église, au moyen-âge, ne resta plus long-temps indépendante de Rome que celles d’Irlande et de Bretagne. La dernière essaya long-temps de se soustraire à la primatie de Tours, et lui opposa celle de Dôle.

Les nobles, ainsi que les prêtres, sont chers à la Bretagne, à la Vendée, comme défenseurs des idées, des habitudes anciennes. La noblesse innombrable et pauvre de la Bretagne était plus rapprochée du laboureur. Il y avait là aussi quelque chose des habitudes de clan. Une foule de familles de paysans se regardaient comme nobles ; quelques-uns se croyaient descendus d’Arthur ou de la fée Morgane, et plantaient, dit-on, des épées pour limites à leurs champs. Ils s’asseyaient et se couvraient devant leur seigneur en signe d’indépendance. Dans plusieurs parties de la province, le servage était inconnu : les domaniers et quevaisiers, quelque dure que fût leur condition, étaient libres de leurs corps, si leur terre était serve. Devant le plus fier des Rohan[3], ils se seraient redressés en disant, comme ils font, d’un ton si grave : Me zo deuzar armoricq ; et moi aussi, je suis Breton. Un mot profond vient d’être dit sur la Vendée, et il s’applique aussi à la Bretagne : Ces popupations sont au fond républicaines[4] ; républicanisme social, non politique.

Ne nous étonnons pas que cette race celtique, la plus obstinée

  1. Dans la Cornouaille, selon Cambry. — Il leur est arrivé de même, dans les guerres des chouans, de battre leurs chefs, et de leur obéir un moment après. Je garantis cette anecdote.
  2. V. les esquisses de Shiel, dans l’éloquente traduction que deux dames en ont donnée en 1828, avec des additions considérables.
  3. On connaît les prétentions de cette famille descendue des Mac Tiern de Léon. Au seizième siècle, ils avaient pris cette devise qui résume leur histoire : « Roi je ne suis, prince ne daigne, Rohan je suis. »
  4. Témoignage de M. le capitaine Galleran, à la Cour d’assises de Nantes, octobre 1832.