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DE LA MUSIQUE EN ANGLETERRE.

assisté dans ma vie. Ce n’est que dans un pays tel que l’Angleterre qu’on peut en trouver une semblable.

En France, les institutions relatives aux arts tendent à les populariser ; en Angleterre, elles n’arrivent presque jamais à de semblables résultats. Il semble que les meilleures choses ne soient point destinées à sortir du centre qui les vit naître, et que les membres du club ou de la société qui les a fait éclore, doivent en avoir seuls la jouissance. C’est à cette singulière disposition des esprits qu’il faut attribuer le défaut d’influence de quelques associations musicales qui auraient dû contribuer à perfectionner le goût de la musique chez les Anglais, telles que les concerts de musique ancienne et les concerts de la société philharmonique.

La première de ces institutions date de près de soixante ans. Elle fut fondée par plusieurs amateurs de musique classique, particulièrement admirateurs du génie de Handel, sous le patronage de Georges iii. Les personnages les plus distingués de l’Angleterre sont au nombre des membres de l’association, et dirigent tour à tour les concerts qui sont donnés chaque année, au nombre de douze. Aucune composition de musicien vivant n’y est exécutée : les ouvrages originaux de Handel sont ceux qu’on y entend le plus fréquemment ; cependant les noms de tous les hommes célèbres des écoles d’Italie et d’Allemagne paraissent tour à tour dans les programmes de ces concerts. La plupart des artistes distingués qui se font entendre chaque année sur le théâtre italien, sont engagés pour chanter dans ces séances de musique ancienne ; les chœurs y sont rendus avec beaucoup d’ensemble, et le caractère général de l’exécution y est bien appliqué à la qualité des ouvrages qu’on y entend. Toutefois, cette institution ne produit pas tout le bien qu’on en pourrait attendre, parce que le nombre des souscripteurs est borné et ne se renouvelle, pour ainsi dire, jamais. Ce sont toujours les mêmes personnes qui entendent ces concerts ; le reste de la population de Londres ne sait pas même ce que c’est, car les étrangers seuls ont le droit d’y être admis, lorsque le comité administratif autorise leur présentation. On peut donc affirmer que les concerts de musique ancienne n’ont aucune sorte d’influence sur le goût et la connaissance de l’art parmi les Anglais, et qu’ils ne peuvent point en avoir.