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DE LA MUSIQUE EN ANGLETERRE.

Angleterre, pour acquérir la conviction que cet art était dans une situation relative bien plus prospère, lorsque le gouvernement y donnait des soins et le protégeait, que lorsqu’il l’abandonna aux seules ressources de la faveur publique. Henri viii était habile musicien ; il composait, et attachait presque autant d’importance à sa qualité de contrepointiste qu’à son titre de roi d’Angleterre. Des compositeurs célèbres, français et gallo-belges, furent appelés à sa cour, et fondèrent des écoles où se formèrent beaucoup de musiciens distingués qui brillèrent sous le règne d’Élisabeth. Cette princesse cultivait aussi la musique avec succès, encourageait les artistes, leur donnait des emplois à sa cour, et entretenait une école de jeunes musiciens dans sa chapelle. La destruction de la musique d’église, qui fut la suite des troubles religieux qui éclatèrent sous le protectorat de Cromwell, commença la décadence de l’art en général, et les grands évènemens de politique intérieure qu’amena la révolution de 1688, achevèrent de le ruiner. Dès lors, le pouvoir royal se trouva renfermé dans des limites plus étroites ; la liste civile, réduite avec économie, ne permit plus de faire de dépenses pour l’entretien d’écoles de musique, qu’on ne considérait que comme des objets de luxe et de superfluité. Tout alla dégénérant, et de ce moment, d’où date la prospérité de l’Angleterre, la musique n’eut plus qu’une existence précaire dans les trois royaumes. Purcell, dont l’éducation musicale précéda la révolution, est à peu près le seul musicien anglais qui se soit fait une grande réputation, postérieurement à cette époque. On cite encore Arne et Arnold, qui eurent en effet quelque mérite dans le style de leur temps (1740-1760), mais qui sont bien inférieurs aux vieux musiciens anglais de l’époque classique.

Un fait assez remarquable se présente dans l’histoire de la musique en Angleterre : c’est que ce pays est le seul qui ait eu des chaires de musique dans ses universités. Cambridge et Oxford eurent de la célébrité sous ce rapport ; on y conférait les grades de bachelier et de docteur en musique, et les dignités ne pouvaient être obtenues qu’après des concours et des examens sévères. Depuis long-temps ces exercices ne sont plus que des enfantillages, et la qualité de docteur en musique a cessé d’être un titre recommandable. Lorsque Haydn alla à Londres, on voulut rendre au