sacrés par leur nom, ce serait folie pure. Remonter au-delà de ces rois, méconnaître les dynasties qu’ils ont fondées, vouloir immobiliser la pensée dans les galeries du Vatican, c’est protester contre les lois éternelles qui régissent le développement de l’humanité.
Si l’on découvre dans le passé une conception qui n’a pu se faire jour et se produire, un projet qui n’a pu mûrir, parce que l’air de son siècle ne lui était pas bon, qu’on s’en empare, qu’on le fasse dieu, qu’on le féconde, qu’on l’accouche et qu’on le baptise, à la bonne heure. Mais choisir dans les soixante siècles évanouis une idée venue à terme, qui a joué son rôle et fait son temps, fouiller les cendres des volontés éteintes pour les ranimer, prendre pour guides des yeux qui ne voient plus, c’est une erreur étrange et déplorable.
C’est pourquoi l’admiration sérieuse que je professe pour le portrait de M. Bertin ne trouble en rien mon opinion sur M. Ingres. C’est un chef-d’œuvre de vérité, j’en conviens. Si la main inconnue à qui nous devons la tête d’Ajax, voulait ciseler le marbre d’après un pareil modèle, elle n’aurait rien à regretter et se passerait de la nature. Les mains sont modelées avec une finesse inimaginable. Oui. Mais, après Velasquez et Vandyck, était-il permis de ne tenir aucun compte du ton chaud et vigoureux de la tête originale ? Je réponds hardiment : non.
Aux plus beaux ouvrages de M. Ingres, il manquera toujours une condition de popularité, le progrès. Ils auront une valeur savante. Mais, comme ils ne seront pas de leur temps, ils n’obtiendront que de rares suffrages, et le succès que nous constatons ne fait pas obstacle à la réalité de cette prophétie.
M. E. Champmartin conserve, comme nous l’avions prévu, la suprématie qu’il avait acquise, il y a deux ans, dans la peinture de portrait. Nos visites assidues dans la galerie des trois écoles n’ont pas altéré notre première conviction. Après lui, au-dessous de lui, il y a des talens estimables sans doute, engagés dans une route plus ou moins vraie, amoureux du naturel, attentifs à surprendre la réalité, assez habiles à la copier. Mais parmi tous les portraitistes, je ne vois que M. E. Champmartin, qui élève la réalité au rang de la poésie.
Ce serait de notre part une coupable faiblesse que d’accepter le