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ses profits la richesse nationale. Dans les cas plus vraisemblables, où il y a moyen de l’éluder, il entraîne une multitude de fraudes ou de spéculations non moins immorales que ruineuses.

La simulation de communauté est un moyen de tromper les exigences du fisc. On peut, moyennant la précaution des contre-lettres, partager fictivement les patrimoines. Si l’on prétend que ce genre de fraude serait empêché par les frais des actes qu’il occasionerait et les droits d’enregistrement, comment s’opposer à la simulation des dettes, hypothèques et rentes viagères, qui greveraient tout d’un coup les biens les plus apparens, sans aggraver la situation du contribuable vraiment endetté ? Pour distinguer le mensonge de la vérité, il faudrait adopter un système de présomptions arbitraires, coûteuses, vexatoires, et au demeurant inutiles, car la richesse se déguiserait sous toutes les formes plutôt que de se laisser détruire.

On en a la preuve dans la vieille expérience d’un des plus odieux impôts de l’ancien régime. La taille avait quelque analogie avec l’impôt progressif, sous ce rapport qu’elle ne grevait pas seulement les biens du propriétaire non privilégié, mais son industrie. Aussi l’aisance se cachait sous des haillons. Pour échapper au collecteur, la population taillable et corvéable s’abstenait d’une multitude d’objets d’agrément ou même de première nécessité, dont la production fait la richesse nationale.

Sous la mortelle influence d’un système complet de contributions progressives, les uns se détacheraient de leurs propriétés foncières, afin de les convertir en biens insaisissables, ou les dissémineraient sur une plus grande étendue de territoire, pour prévenir le danger de leur contiguité, c’est-à-dire d’un centre unique de surveillance et de répression ; les autres, en grand nombre, emploieraient leurs capitaux à l’agiotage, aux accaparemens et à l’usure. Le manufacturier et le commerçant diviseraient leurs établissemens, afin de les distribuer soit sous leur nom, soit sous des noms supposés. Beaucoup d’entre eux exporteraient à l’étranger leurs capitaux, leur industrie, et seraient suivis par leurs ouvriers, comme au temps de l’édit de Nantes.

L’agiotage, les accaparemens, l’usure, le morcellement forcé des terres et des établissemens industriels, seraient donc les conséquences