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ÉCONOMIE POLITIQUE.

que la commune C où les revenus seraient très divisés, ne paierait aucune contribution.

Mais la commune A étant privée de la moitié de ses revenus ou moyens de reproduction, s’appauvrirait rapidement. Les grandes villes où il y a plus de fortunes inégales que partout ailleurs, succomberaient sous le poids des progressions. Paris n’existerait plus. Lorsqu’en l’an vii, un dernier emprunt fut résolu d’après le mode progressif, on évalua à plus de 70 millions la part de la capitale sur les 100 millions imposés. Ceux qui redoutent par-dessus tout de porter atteinte à l’unité politique, administrative et morale du pays, doivent s’effrayer d’un tel résultat.

Étrange inconséquence ! le 18 mars 1793, l’unanimité de la Convention votait la peine de mort contre tout fauteur de mesures subversives de la propriété ; elle décrétait en même temps le principe de l’impôt progressif, qui, rigoureusement appliqué, eût porté de mortelles atteintes à la propriété et à l’existence des villes. Deux mois plus tard, le 31 mai, la minorité de cette assemblée encourait une accusation capitale de fédéralisme. Qu’y avait-il de plus anarchique, cependant, et sous ce rapport de plus fédéraliste, que le vote unanime d’un principe dont le premier effet eût été de détruire les villes ?

Mais nous le répétons, la science n’a que des avis insuffisans pour les pouvoirs qui, une fois engagés dans la voie des révolutions, peuvent se perdre d’une manière très logique aussi bien que par leurs inconséquences. Les économistes, qui étudient à tête reposée, sont tenus de mettre plus de rigueur dans leurs déductions. Ainsi, avant de réclamer l’impôt progressif pour dégrever la population manufacturière de tout ce qu’ils veulent ajouter de surtaxe à la propriété, ils feraient bien de songer que le soulagement des manufactures est inconciliable avec le dépérissement des villes.

M. Jollivet ayant analysé une progression proposée en 1793, par le comité des finances de la Convention, il en résultait que dans certains cas, en supposant les contributions municipales progressives, comme les impôts perçus par le trésor public, les fortunes inférieures, après le prélèvement des diverses taxes, pouvaient s’élever au-dessus des fortunes supérieures.