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REVUE. — CHRONIQUE.

en une bizarrerie voisine de l’amphigouri, dans les Sarabaïtes, par exemple, et ailleurs encore. Ce sont là deux vices dont il faut que l’auteur songe sérieusement à se défaire.

DE l’INFLUENCE DE LA PHILOSOPHIE DU xviiie SIÈCLE SUR LA LÉGISLATION ET LA SOCIABILITÉ DU xixe, PAR M. LERMINIER.[1]

L’essai moitié philosophique, moitié politique que présente aujourd’hui au public M. Lerminier, est divisé en trois parties. La première est consacrée au développement intellectuel du dix-huitième siècle. Elle s’ouvre par la caractérisation ferme du dix-septième siècle, depuis la mort de Henri iv jusqu’à celle de Louis xiv ; Fénélon est produit comme le premier auteur de la réaction philosophique ; une petite école intermédiaire, Perrault, Lamothe, Fontenelle, sert encore de transition entre les deux siècles. L’aurore de l’esprit philosophique se dessine de plus en plus par l’abbé de Saint-Pierre et par Massillon. L’influence de l’Angleterre se projette. Enfin le siècle se manifeste sous quatre faces et par quatre représentans : Montesquieu restaure l’histoire sociale ; Voltaire propage le déisme, le bon sens et la tolérance ; Diderot, génie enthousiaste et panthéiste, enflamme son siècle de l’amour du beau et de l’infini, et résume l’histoire encyclopédique des connaissances humaines ; J.-J. Rousseau revendique les droits de l’homme et du sentiment religieux, fonde une politique nouvelle et révolutionnaire et installe la souveraineté démocratique. Voilà, suivant l’expression de M. Lerminier, le quaternaire sacré de la philosophie. Viennent se grouper autour l’abbé Mably, l’abbé Condillac, Duclos et Vauvenargues. L’athéisme du baron d’Holbach est condamné ; les travaux de Freret, l’enthousiasme sombre de Boulanger sont caractérisés. Nous ne parlons ni de Dupuy, ni de Raynal et Saint-Lambert. Enfin, des réflexions concises terminent ce tableau littéraire.

La seconde partie est entièrement politique. L’auteur, après avoir peint à grands traits l’état de la société moderne, amène la Prusse sur la scène, avec sa monarchie militaire et récente, avec son héros Frédéric, qui accable tous ses contemporains de sa supériorité et de son ironie. Le code prussien est signalé comme un premier essai de codification. Marie-Thérèse représente le vieil esprit de l’Europe. Cependant la Russie reçoit vivement le contre-coup des idées philosophiques. Le midi de l’Europe n’échappe pas à l’influence de nos penseurs. L’Espagne a pour ministres philosophes d’Aranda et Campomanès ; Lisbonne a son Richelieu, le

  1. Paris, Mme Prévot-Crocius, éditeur, rue des Fossés-Saint-Germain, no 12.