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celle même que Dieu apprit à Adam. Comme Celte, j’aurais pu avancer des prétentions pour le moins égales à celles du frère, mais l’hospitalité me retint.

Les curiosités de la bibliothèque et de l’imprimerie épuisées, nous descendîmes au jardin. Tout était ménagé, mis à profit, et distribué avec un soin extrême dans ce petit terrein qui suffit de la sorte aux besoins de la Communauté. Sous les fenêtres sont les fleurs, les plantes, les herbes médicinales ; à la pointe de l’île, les légumes et les arbres fruitiers. Les allées, où l’on ne peut promener plus de trois de front, sont couvertes d’un beau sable uni, on n’y trouverait pas un caillou et une mauvaise herbe. Dans les endroits reculés, il y a des tonnelles d’aubépine, avec des bancs de joncs, où l’on va lire en été. Le soleil dardait si fort, qu’il fallut nous abriter un instant. Derrière nous, contre le mur du jardin, j’entendais le petit bruit des vagues qui entraient dans les fentes des pierres. Ni le frère ni moi, ne parlions plus ; je me délectais dans ce silence, dans cet air pur ; je songeais au bonheur de ces saints religieux, à cette vie toute d’étude et de piété. Pour rompre cette pause, je fis quelques complimens à mon guide sur la bonne tenue de son monastère ; il sourit, et m’expliqua, en marchant, de nouveaux embellissemens qui étaient projetés. — Croyez-vous, lui demandai-je, que la seule envie de s’instruire amenât Byron parmi vous ? Ne venait-il pas chercher un peu de cette paix où vous vivez ? — Il sourit de nouveau et sans répondre. — « Qui sait ? quelques années encore, et peut-être lord Byron serait-il revenu pour toujours dans cette maison. — Dieu le sait, répondit-il, mais à un certain âge il est malaisé de renoncer au monde et à soi-même. »

À ces derniers mots, j’arrivais devant ma gondole ; pour y entrer, le frère me donna la main que je serrai en signe d’adieu. Je dis au batelier : Palazzo Mocenigo ! — Devant Saint-Servule, je regardai hors de la gondole ; le moine arménien était encore debout sur les marches blanches du couvent ............... Le nom de Mocenigo a délié la langue du gondolier. — Francesco a vu aussi lord Byron, et vers les deux heures lorsqu’il allait au Lido, et le soir promenant sur la Piazzetta. — Tous les anciens gondoliers connaissent le seigneur anglais, Byron, comme ils disent simplement. — La grande Marianna, cette terrible maî-