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FRAGMENS DE VOYAGE.

Pendant le temps du sacrifice, il conçut deux enfans, Hormistus et Harminus.

Le règne du monde, le règne de l’œuvre à venir, suivant la parole de Zervanus, devait appartenir au premier né des deux enfans.

Hormistus qui était le souverain bien, devina, encore au ventre de sa mère, à qui devait appartenir le monde, et il en avertit son frère.

Harminus, l’esprit du mal, profita de cet avertissement pour arriver le premier.

Sitôt qu’ils furent sortis du ventre de la mère, ils se présentèrent tous deux devant Zervanus.

Zervanus, voyant Hormistus, jugea à sa bonne odeur qu’il était l’enfant de son choix, le bénit et voulut lui donner le règne du monde.

Harminus, jaloux, réclama auprès de Zervanus l’accomplissement de sa promesse.

Zervanus, voyant qu’il était impossible de livrer le monde à son fils bien-aimé Hormistus, déclara que, pendant neuf mille ans, Harminus régnerait sur tout ce qui était créé.

Mais il le déclara inférieur à son frère Hormistus, et il le condamna à livrer le monde à ce dernier, lorsque les neuf mille ans seraient écoulés.

(Tiré d’Esnacius, poète arménien.)

La fable d’Hormistus et d’Harminus n’est autre chose, on le voit, que celle d’Arimane et d’Oromaze. Ce double principe, énigme première de toutes les religions, et que toutes essaient d’expliquer, se retrouve surtout, et avec mille variantes, dans les traditions et les poésies arméniennes. Les bons pères de Saint-Lazare, qui n’acceptent que la solution biblique, mettent beaucoup d’orgueil à prouver que leur pays est le lieu où s’est consommé ce grand mystère du bien et du mal. Selon eux, l’Arménie est le berceau du genre humain. Les quatre fleuves du paradis terrestre, Pison, Guihon, Hiddekel et l’Euphrate, coulent en Arménie ; là, s’élève le mont Ararat où s’arrêta l’arche de Noé ; et l’arménien qui donne le sens de tous ces noms, est la plus ancienne langue du monde,