Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/609

Cette page a été validée par deux contributeurs.
603
LETTRES SUR L’INDE.

nuelles, et un accident qui faillit lui coûter la vie près de Boglipour, le força d’opérer de nouveau son retour dans la capitale du Bengale. Venant de tirer un rhinocéros dans un épais taillis, un autre de ces animaux qu’il n’avait pas aperçu, se précipita sur lui, le foula aux pieds, et d’un coup de corne lui fit une profonde blessure à la jambe. À partir de cette époque, ses forces furent chaque jour en s’affaiblissant, et une maladie de foie à laquelle se joignit la dyssenterie le mit dans l’impossibilité de songer à de nouvelles excursions. Les médecins jugèrent alors qu’un voyage par mer pouvait seul le sauver, et le déterminèrent à s’embarquer pour Madras. Mais il était trop tard, et il n’arriva à sa destination que pour rendre le dernier soupir à la fin d’août 1824.

Dans ce rapide exposé de la vie de M. Duvaucel, nous n’avons montré que le voyageur intrépide, le collecteur infatigable d’objets d’histoire naturelle ; mais à l’audace et à l’énergie nécessaires dans cette double profession, se joignaient chez lui une instruction très étendue, un coup-d’oeil perçant et des vues profondes dont s’étonna plus d’une fois M. Cuvier, auquel il communiquait régulièrement ses observations scientifiques. M. Duvaucel était un de ces hommes qui ne sont déplacés dans aucune carrière. En 1821, se trouvant à Chandernagor dans un moment où plusieurs emplois étaient vacans, sans qu’on eût personne sous la main pour les remplir, on le nomma par intérim procureur du roi, caissier du gouvernement, curateur aux biens vacans, et il s’acquitta de ces diverses fonctions, nouvelles pour lui, à la satisfaction générale. L’Asiatic journal, en annonçant sa mort, vantait, entre autres qualités, sa facilité pour toute espèce d’études, et rappelait qu’arrivé au Bengale, sans connaître un mot d’anglais, il avait promptement appris cette langue, et assez bien pour pouvoir publier dans les Asiatic Researches des dissertations sur divers points d’histoire naturelle.

Son activité prodigieuse suffisait à tout : chasses, lectures, mémoires sur mille sujets différens, correspondance régulière avec les personnes les plus distinguées du Bengale et au dehors, il trouvait du temps pour tout faire. Les lettres que nous publions ici ont été adressées, pendant son voyage au Sylhet, à une sœur qu’il chérissait tendrement, et qui était la confidente habituelle de ses pensées les plus secrètes. Seules, elles suffiraient pour témoigner de la facilité dont nous parlions tout-à-l’heure. Bien qu’écrites à la hâte, dans cent lieux divers, souvent dans des momens où la faim et le sommeil se faisaient vivement sentir, elles n’offrent aucune rature. À peine, de loin en loin, avons-nous été obligés de modifier quelques termes échappés à la rapidité de la composition. Ce sont les seuls changemens que nous nous soyons permis, ainsi