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lui paraît un moyen de vengeance incertain, le second insuffisant, et voici ce qu’il imagine : Le vicomte doit épouser une jeune personne qu’il aime passionnément et qui habite momentanément la maison du marquis. Celui-ci administre une potion somnifère à toute la maison, et pendant la nuit livre la jeune fiancée à une espèce de satyre qui remplit chez lui les fonctions de jardinier. Le mariage a lieu, et la première découverte que fait le vicomte dans le monde conjugal est que sa femme se trouve enceinte de trois mois. — Scènes de fureur et tout ce qui s’ensuit jusqu’à l’accouchement. L’enfant vient au monde, et pour dénoûment le vieillard outragé vient avec son jardinier près du lit de l’accouchée, et déclare tout ce qui s’est passé. Le vicomte prend l’enfant, lui brise la tête contre la muraille et se brûle la cervelle. Le marquis de son côté retourne chez lui, fait une scène terrible à sa femme, lui fend le crâne avec le talon de sa botte, et s’enfuit je ne sais où, après avoir fait porter son prétendu fils aux enfans trouvés.

La morale de tout ceci est évidemment qu’il faut s’adresser le moins possible à la femme de son voisin, morale quelque peu banale, mais bonne à redire pour l’instruction de plusieurs. Ce qui est moins édifiant, quoi qu’en dise M. Jules Lacroix, c’est la forme donnée à cet enseignement. Il n’a reculé devant aucune des conséquences de son sujet. C’est là tout ce que je veux dire de son livre.

SOLITUDE, RÊVERIES, PAR M. DARGAUD.[1]

Solitude, par M. Dargaud, est un livre qui révèle chez son auteur une âme élevée et contemplative, éprise de l’isolement sans haïr la société, atteinte de tristesse sans trop de désenchantement. C’est un livre propre à remplir les heures d’une promenade solitaire à l’ombre des bois. Peut-être pourrait-on exiger quelque chose de plus mâle dans les rêveries de M. Dargaud. La mélancolie s’est perfectionnée comme tout le reste depuis cinquante ans à peu près qu’elle a été inventée. Elle a échangé ses formes indécises et vaporeuses pour des formes plus austères. Notre époque veut dans ce genre une forte nourriture. — Childe Harold nous a tous gâtés.


f. buloz.
  1. vol. in-8o, chez Paulin.