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Le lendemain de ce jour-là, je montai à cheval au lever du soleil, avec les aimables gens à la bonne fortune desquels la mienne, assez mince, se trouvait liée pour une quinzaine de jours, et nous galopâmes pendant trois heures, à crever nos chevaux. Il va sans dire que mon fidèle bidet persan, malgré sa modeste apparence, arriva plus frais que les superbes arabes de mes compagnons, tous payés de 5 à 6,000 francs. Nous trouvâmes une autre suite de tentes piquées, et devant notre camp, les dix-sept éléphans du rajah de Pathalah, et ses quatre cents cavaliers rangés en bataille. Un élégant et simple déjeuner, servi à notre arrivée, fut lestement expédié, et aussitôt après nous montâmes chacun sur notre éléphant. On me fit la politesse de celui du rajah, avec son siège royal de velours et d’oripeau. Nous nous plaçâmes au centre de la chaîne formée par ces animaux, la plupart allant à vide, ou portant les ministres (vakils) des rajahs d’alentour, députés près de notre jeune ami le sous-résident de Delhi. Sur les ailes de cette ligne importante, notre cavalerie se déploya, et les deux tambours du rajah placés au front, battant la marche royale, nous entrâmes dans le désert.

Ce sont des plaines immenses, sablonneuses, salées, couvertes d’arbrisseaux épineux, parsemées de grands arbres çà et là ; ailleurs des steppes herbeuses. Il n’y a point d’obstacles pour les éléphans, ils arrachent laborieusement les arbres entre lesquels ils ne peuvent passer, et les branches qui atteindraient le chasseur qu’ils portent. Arrêtée par la forêt, notre cavalerie était quelquefois obligée de se replier, et elle passait après nous dans la large trouée que nous avions ouverte. Là où elle pouvait agir librement, elle se formait de part et d’autre en demi-cercle, qui battait à une grande distance tout l’espace d’alentour, et jetait sous le front des éléphans tout le gibier de la plaine. Entre six que nous étions, nous tuâmes par centaines des lièvres et des perdrix ; une hyène et plusieurs sangliers passant sous notre feu, furent blessés, en terme de chasseur, car nos cavaliers, lancés à leur poursuite, ne purent les atteindre. Nous vîmes des troupeaux d’antilopes et de nilgauts, mais sans pouvoir les approcher à portée de la carabine ; de lions, pas l’ombre d’un seul. Mais nous espérâmes pour le lendemain, et revînmes à la chute du jour à notre camp. J’étais ravi de l’étrangeté de cette