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QUITTE POUR LA PEUR.
LA DUCHESSE (à part).

Ah ! pauvre chevalier ! nous sommes perdus ! je n’oserai plus te revoir. (Elle baise le portrait du chevalier.)

LE DUC (brusquement en homme et comme quittant le masque).

Ah ! ça ! voyons, mon enfant, touchez là.

LA DUCHESSE (étonnée).

Quoi donc !

LE DUC.

Touchez là, vous dis-je ; une fois seulement donnez-moi la main, c’est tout ce que je vous demande.

LA DUCHESSE (pleurant presque).

Comment ! monsieur.

LE DUC.

Oui, vraiment, touchez-là bien franchement, en bonne et sincère amie ; je ne veux point vous faire de mal et toute la vengeance que je tirerais de vous (si vous m’aviez offensé), ce serait cette frayeur que je viens de vous faire.

Asseyez-vous. — Je vais partir. —

(Il reprend son chapeau et son épée.)

Voici le jour qui vient ! il me faut le temps d’arriver à Versailles.

(Debout, il lui serre la main, elle est assise.)

Écoutez bien. Il n’y a rien que je ne sache…

À vrai dire, je ne me sens nulle colère et nulle haine pour vous.

(Avec émotion.)

N’ayez, je vous prie, nulle haine contre moi, non plus. Nous avons chacun nos petits secrets. Vous faites bien, et je crois que je ne fais pas mal de mon côté. Restons en là ! Je ne sais si tout cela nous passera, mais nous sommes jeunes tous les deux, nous verrons. — Soyez toujours bien assurée que mon amitié ne passera pas pour vous… Je vous demande la vôtre, et (en riant) n’ayez pas peur, je ne reviendrai vous voir que quand vous m’écrirez de venir.

LA DUCHESSE.

Êtes-vous donc si bon, monsieur ? et je ne vous connaissais pas !

LE DUC.

Pardonnez-moi cette mauvaise nuit que je vous ai fait passer.