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de Térence sur Plaute, de Racine sur Corneille ; c’est, je l’avoue, une besogne fastidieuse que d’assister au spectacle d’une œuvre sans portée, sans vigueur, et disons-le, sans volonté.

Or, cette tristesse sincère que nous exprimons ici, nous est venue à la représentation des Enfans d’Édouard. La critique, et, j’en conviens sans peine, si haute et si désintéressée qu’elle puisse être, n’aura jamais la même valeur et la même animation que les traités des philosophes, les récits des historiens, ou les inventions des poètes. Bien qu’elle prétende, avec une modestie effrontée, établir et défendre les lois qui régissent toutes les formes de la pensée, tout en avouant implicitement que Dieu lui a refusé la faculté de réaliser aucune de ces formes, cependant cette sévère magistrature, même aux mains de Quintilien, de Samuel Johnson ou de Diderot, n’aura jamais, pour la société qui nous entoure, la même grandeur et les mêmes joies que la lecture d’Homère, de Tacite ou de Platon. Mais s’il est arrivé, à de lointains intervalles, à l’estimation des œuvres de la pensée de disputer l’attention publique à ces œuvres elles-mêmes, ce n’a jamais été qu’à la condition de ne s’en prendre qu’aux maîtres et aux novateurs du premier ordre ; car il faut à la critique, pour vivre même huit jours, la colère ou l’enthousiasme. Il faut qu’elle combatte corps à corps les idées perverses qui veulent détourner l’art de sa route, ou qu’elle élève sur un piédestal les statues des demi-dieux à qui l’impiété, l’ignorance ou l’envie refusent la gloire et l’encens.

Pourtant, lorsqu’on a rencontré, parmi les inventeurs de son temps, de secrètes sympathies, si l’on n’a pu se défendre d’applaudir, comme à une victoire personnelle, aux créations du génie qui sont venues baptiser de leur nom de courageuses, mais impuissantes espérances, il y aurait de l’ingratitude, et peut-être de la lâcheté, à ne pas mener à fin la tâche qu’on a choisie : ce n’est pas assez d’avoir dit aux uns : « J’avais prévu ce que vous avez fait, » et aux autres : « Vous avez donné la vie et la durée au plus cher et au plus constant de mes rêves ; j’avais aperçu l’écueil que vous avez touché, j’avais deviné la gloire qui vous couronne. » Non, il faut aller plus loin, quoi qu’il en coûte à notre paresse instinctive. À vrai dire, nous n’avons plus rien à faire dans la lice, quand les lances les plus vaillantes ont été rompues, quand les armures les plus fidèles