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cevoir une telle espérance ; il ne demanda pour elles que cent années, et cette demande modeste ne lui fut pas même accordée.

À peine s’était-il éloigné que l’ancienne anarchie recommence, puis vient la tyrannie. Tyran aimable et spirituel, comme il fallait être pour subjuguer des Athéniens, Pisistrate se saisit par la ruse d’un pouvoir qu’il conserve par l’indulgence et la douceur. En vain le vieux Solon parcourt les rues d’Athènes avec ses armes pour exciter ses concitoyens à défendre son ouvrage ; Pisistrate le va visiter, honore et captive sa vieillesse. Du reste, les lois de Solon étaient si bien accommodées au génie des Athéniens, que celles de Pisistrate furent conçues dans le même esprit. C’est par là que la législation de Solon, quoique altérée à diverses reprises, ne périt jamais tout entière ; elle ne se maintenait pas, comme celle de Lycurgue, par sa raideur et son inflexibilité, mais elle résistait par sa souplesse même. Solon survécut à la forme de gouvernement qu’il avait instituée ; mais le caractère de sa législation dura autant que les mœurs des Athéniens dont elle était le résultat et l’image.

Athènes supporta la tyrannie tant qu’elle fut douce et brillante ; quand, sous les fils de Pisistrate, elle devint pesante et dure, son humeur indépendante en fut irritée, et une conspiration vraiment athénienne se forma : c’est une conspiration au milieu d’une fête ; ce sont de jeunes amis cachant leurs poignards sous des branches de myrthe. La législation de Solon reparaît, mais Clisthènes, qui la rétablit, l’altère ; plus docile encore aux goûts démocratiques des Athéniens, il pousse leur constitution plus avant dans cette voie. De quatre tribus il en fait dix, et multiplie par là l’activité politique dans l’état. Dès ce moment, une agitation toujours plus inquiète précipite ce peuple ardent vers une démocratie sans règles. En même temps l’exaltation populaire, qui transporte tous les esprits, enfante des prodiges dans la guerre, dans l’éloquence, dans la poésie, dans les arts. Et quand vint le grand combat contre l’Asie, ce fut cette Athènes bouillante et indisciplinée qui s’élança au premier rang ; ce fut elle qui à Marathon étonna les masses orientales en se précipitant sur elles avec une insouciante ardeur comme pour une lutte de la palestre. Rien en Grèce ne fut comparable à ce fougueux et brillant héroïsme. Les Spartiates surent mourir avec leur roi aux Thermopyles, les Athéniens proscrivaient leurs généraux et battaient les Perses sur la terre et sur la mer. Quelle législation eût pu résister à l’emportement du triomphe, à l’ivresse d’une telle gloire ? Comment disputer quelque chose à une démocratie de héros, à une populace pleine de grâce et de génie ? Personne ne pouvait en avoir la pensée, et le sage Aristide lui-même céda au torrent. Il ouvrit la porte de toutes les dignités à la masse entière des citoyens, sans en