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LES LOIS ET LES MŒURS.

lon, il cherchait aussi, bien que d’une manière plus détournée, à agir par la loi sur les mœurs.

Il faut le reconnaître avec impartialité ; comme nous avons reconnu que les lois de Lycurgue, si puissantes sur les mœurs, en avaient cependant à quelques égards subi l’influence, ainsi Solon veille avec le plus grand soin à l’éducation, défend à la propriété d’excéder une certaine mesure, intervient dans les détails de la vie domestique, et punit de mort l’archonte qui dans un état d’ivresse oserait paraître en public avec sa couronne.

Du reste, il y avait dans les mœurs athéniennes une dignité native, un goût inné d’élégance qui les accompagnait jusque dans leurs désordres, et tempérait leurs égaremens. Une délicatesse de sentiment mêlée quelquefois de grandeur suppléait heureusement à la loi et la corrigeait. C’était ce qui donnait de la force à la sentence par laquelle on privait un Athénien de l’honneur en le déclarant atimos. Le grand nombre de cas auxquels cette peine était appliquée prouve qu’elle produisait un effet considérable, et une pareille loi ne produit d’effet qu’autant que son arrêt est ratifié par les mœurs.

Certes, l’ambition et l’intrigue avaient un jeu bien vaste dans un pays comme Athènes, où elles pouvaient rapidement conduire à tout ; mais il faut se souvenir que plusieurs de ces magistratures, objets de tant de brigues, ne donnaient d’autre privilège que celui de dépenser sa fortune au service de l’état. Tels étaient celui des triérarques qui fournissaient des galères à la république, celui des chorèges qui se chargeaient des soins du théâtre ; car le théâtre, la musique, la danse, étaient chose publique, officielle pour ainsi dire. Les archontes nommaient en pleine assemblée les joueurs de flûte chargés d’accompagner les danses publiques, et il n’était permis ni à un étranger ni à un Athénien flétri de se mêler à ces danses.

Aimable peuple dont les lois ne dédaignaient pas de régler les nobles plaisirs ! La législation de Solon recommandait qu’on se gardât de confondre les divers modes de musique, et Platon commence son dialogue sur les lois, qui renferme sa politique positive, par établir l’importance des chants et des chœurs de danse pour le gouvernement des états.

À un tel peuple il appartenait d’avoir un poète pour législateur.

Ce législateur adressant en vers des conseils à ses concitoyens qui lui ont demandé une constitution, offre un spectacle plein de grâce qu’Athènes seule pouvait donner.

Solon ne réclama point pour ses lois, comme Lycurgue, une éternelle durée. Le sol athénien était trop mobile et trop léger pour qu’il pût con-