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LES LOIS ET LES MŒURS.

le père et la mère de toute chose, le roi doit être le père et la mère de son peuple[1].

Les diverses dynasties qui arrivèrent à l’empire, sanctionnèrent leur usurpation par une adhésion constante aux anciennes maximes, un respect inviolable des anciennes mœurs. Ce fut le lien qui réunit successivement autour du trône impérial les états indépendans.

C’est sur cette base que s’établit la monarchie des Chinois, qui atteignit une certaine unité vers le onzième siècle avant Jésus-Christ. Mais bientôt ce lien se relâcha d’abord, puis se brisa entièrement, et alors commença cette époque d’anarchie et de divisions qu’on a justement nommée le moyen âge de la Chine, et qui fut aussi long que le nôtre. C’est au plus fort de cette anarchie, quand l’autorité impériale n’existait plus que de nom et avait à peu près autant d’influence sur les états nés du démembrement général que celle de l’empereur au quatorzième siècle sur les grands feudataires d’Allemagne ; c’est alors que parut Confucius. Confucius sentit le besoin de reconstituer l’unité chinoise. Que fit-il dans ce but ? Il recueillit les anciens rites, les anciens chants, les anciennes maximes, les histoires des premiers temps. Voilà ce que contiennent les cinq kings dont il est le rédacteur. Tout son enseignement était un appel au passé ; son idéal politique, c’était la résurrection des mœurs antiques. Seulement, venu dans un temps philosophique, dans un temps où il y avait des sectes et des écoles, il donna une forme abstraite et symétrique à cette morale qui n’était au fond qu’une tradition réduite en système. Si cette doctrine l’a emporté sur ses rivales, si elle est devenue une autorité, tandis que les autres sont restées à l’état d’opinion, c’est qu’elle n’était qu’une expression systématique, une sorte de traduction en langage abstrait des mœurs primordiales, des sentimens intimes du pays. C’est par là qu’une philosophie a pu devenir une loi.

Au reste, ce n’est que douze cents ans après Confucius, au septième siècle de notre ère, que son école est entrée en possession de la société chinoise. Ce n’est qu’alors qu’a été organisé le système des examens par lequel tous les emplois sont donnés exclusivement aux lettrés, selon le degré auquel ils ont porté l’étude de la morale et de la politique de Confucius.

Il a fallu tout ce temps pour user l’anarchie féodale, et quand son ère a été consommée, les lettrés dépositaires d’un système qui reposait sur les anciennes mœurs, qui contenait ce qu’il y a d’immuable dans la nature chinoise, se sont trouvés les vrais représentans de la société ; ils ont été en mesure de lui donner ce qu’elle cherchait après tant d’agitations, l’u-

  1. Chou-king, p. 15.