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LES LOIS ET LES MŒURS.

les persécuta presque toujours, ce fut pour eux une nécessité de se vouer à de moins nobles occupations, de se livrer à l’usure. En les excluant du droit commun, on leur interdisait la propriété territoriale qui a besoin de garantie, et ainsi la barbarie de la législation féodale les poussa vers un genre d’existence qui était tout-à-fait l’opposé de leurs mœurs antiques et de l’esprit de leur loi ; car ces mœurs étaient précisément ce qu’on ne pouvait souffrir chez des Juifs agricoles et guerriers, et l’intérêt de l’argent dont on les forçait à tirer leur seule richesse, l’intérêt de l’argent était proscrit par la loi de Moïse.

La législation qui les opprimait en était donc venue à leur donner des mœurs directement contraires à celles que leur avait faites leur antique loi. Ils acceptèrent avec une ardeur désespérée l’humiliante ressource qu’on leur laissait. Mais cependant, sous le joug qui dégradait leurs mœurs, ils s’attachèrent avec un indicible acharnement à ce qu’ils en pouvaient conserver. Jamais, par exemple, les capitulaires des rois carlovingiens ne purent obtenir qu’ils consentissent à se marier d’après la loi chrétienne. Dans ce rapide coup-d’œil sur les mœurs et les institutions juives aux diverses époques de leur existence, j’ai principalement insisté sur les altérations que les premières ont pu faire subir aux secondes, parce que la législation des Juifs est avec celle de l’Inde la plus inflexible, la plus inébranlable de toutes. Je voulais établir que là même où la loi commande aux mœurs au nom de la religion, il arrive que dans le détail les mœurs modifient singulièrement la loi : si cette vérité est démontrée pour l’Inde et pour la Judée, où pourra-t-on la méconnaître ?

MAHOMET.

Quant à la loi de Mahomet, c’est celle des lois religieuses de l’Orient qui a le moins contrarié les mœurs de ceux à qui elle s’imposait. Elle n’a point, comme la loi de Moïse, tenu en bride les appétits d’un peuple charnel, elle leur a donné carrière, elle a été facile aux penchans de ses sectateurs, et c’est à cette facilité qu’elle a dû en partie sa puissance. Ces tribus étaient guerrières avant Mahomet ; l’amour et les batailles, c’est tout ce que chantent leurs anciens poètes, c’est tout ce que raconte l’épopée romanesque d’Antar. Mahomet n’est pas venu gêner les passions arabes, il est venu les exalter. Il a dit à ces chefs de hordes : Vous aimez la guerre, les femmes et le pillage ; eh bien ! guerroyez au nom de mon Dieu, et les belles captives et les trésors de l’infidèle ne vous manqueront pas. Au milieu de ces populations naturellement enthousiastes, qui ont deviné la chevalerie européenne, si