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le bras des capitaines. Au fond, les deux principes contraires, les deux pôles opposés de la pensée humaine : savoir, l’unité abstraite et l’unité active, le panthéisme et le théisme, le dieu monde et le dieu vivant.

Cependant ces deux peuples appartiennent à l’Orient, et tous deux ont cela de commun, que, chez l’un comme chez l’autre, la loi commande aux mœurs, parce qu’elle est une loi religieuse, et même on peut dire que nul n’est allé plus loin que Moïse dans cette voie. Je ne trouve aucun législateur qui se soit saisi plus énergiquement que lui de l’argile humaine pour la pétrir et la mouler. Moïse parlait au nom d’un Dieu terrible avec lequel il conversait parmi les tonnerres du Sinaï ; et quand, au sortir de ces redoutables entretiens, il apparaissait aux enfans d’Israël, il était à l’aise pour disposer de toutes leurs actions, pour régler souverainement les existences au nom de cette loi écrite sur la pierre par le doigt de Dieu.

Aussi rien n’échappe à ses commandemens : dans quels détails n’entre-t-il pas touchant les sacrifices, les mariages, les alimens, les ablutions, les nécessités et les infirmités les plus abjectes de la nature humaine ! Pour séparer son peuple de tous les autres peuples, il marque ses actions et ses coutumes même indifférentes d’un sceau particulier. C’est comme une circoncision sociale, dont l’autre n’est que l’ombre. Il fait plus, il réprime violemment les penchans de ce peuple, surtout le plus puissant de tous, ce penchant irrésistible à l’idolâtrie contracté dans la terre d’Égypte, et entré dès-lors si avant dans les mœurs d’Israël, qu’il fera succomber le plus sage de ses enfans ; Moïse ne cesse point de le combattre, il n’est point avare du fer et du sang. Mais la race juive n’est pas une race docile et souple à la discipline, c’est une race rebelle, intraitable ; Moïse ne se lasse point, et il frappe à grands coups sur ces têtes de bronze jusqu’à ce que le bronze se soit aplati sous le marteau.

Tel est Moïse. Eh bien ! ce législateur armé de l’autorité de son Dieu terrible et de son génie indomptable a été lui-même contraint d’obtempérer aux coutumes et aux mœurs établies de son temps ; il ne s’est pas dissimulé que celles de l’avenir modifieraient son œuvre : c’est ce qui est arrivé au-delà de sa prévision, et nous sommes encore ramenés au même spectacle. Ici comme aux Indes, nous allons voir la loi religieuse, ce roc antique dont la base se cache dans l’abîme du temps, surgir de l’océan des mœurs et nous montrer des vestiges de cet océan son berceau, comme une île qui naît du sein des mers en garde sur son front quelques dépouilles.

D’abord la tribu, ce premier élément du corps social tel que l’organisa Moïse, ne fut point constituée par lui. Elle avait son fondement dans la famille, car elle n’était qu’une association de plusieurs familles descendant